Les États, la presse, les médias dans leur ensemble, les institutions sont donc gangrénés par une main encore puissante, celle de l’Occident. Et cette diversion idéologique a gagné tous les espaces médiatiques enrôlés, à leur insu, par la place du sensationnelle, la vitesse des informations et la prépondérance de l’opinion à l’ère du numérique 3.0. La critique, la distanciation, la mesure des faits, l’objectivité ne sont plus de mise. Et cela a un effet doublement pervers pour les pays africains qui prennent pour comptant un fonctionnement sociétal qui n’a malheureusement aucun lienavec les attentes culturelles et sociales des populations africaines qui sont prises dans un leurre annihilant.
Pour exemple, des informations de deux pays voisins sont délivrées par la loupe occidentale, comme le passage obligé d’un filtre, qui est tout simplement destructeur pour les consciences et la pensée africaine.
Ainsi, à l’appui de ses recherches et de son travail de journaliste analyste, Macky Idy Sall fait une démonstration éloquente, non pas de l’échec annoncé des programmes de développement mais de la tromperie intrinsèque d’une fausse démocratie et d’une indépendance africaine encore loin d’être acquise.
Et il place comme préalable au développement, et c’est un levier fondateur, la question culturelle et l’identité d’une civilisation qui doit précéder tout effort de progrès. La question de la culture historique est bien au centre du monde occidental qui s’est développé et a évincé les autres civilisations des découvertes majeures de l’histoire de l’Humanité.
Dans ce contexte où les pays africains sont pieds et poings liés par ce nouvel impérialisme, la question du développement devient bien une tyrannie. C’est pourquoi l’ouvrage de Macky Idy Sall est un véritable manuel de décryptage de l’ère contemporaine africaine qui n’a pas cessé d’être alimentée par la vision occidentale, lui faisant ainsi perdre, de manière inquiétante, ses propres valeurs culturelles, sociales et identitaires. Les images d’information du continent africain, délivrées par la sphère mondiale numérisée, sont des copies fabriquées par des fossoyeurs de la pensée et du libre-arbitre.
Alors que ces questions politico-financières continuent, à tort, d’occuper les esprits, Macky Idy Sall nous rappelle l’extraordinaire potentiel de notre capital historique, culturel, patrimonial, artisanal, artistique et linguistique.
Autrement dit, ce que signifie Macky Idy Sall est qu’il faut réussir à réécrire notre récit africain, sans compromis, sans enfermement non plus, pour reconsidérer notre belle civilisation dans ses fondements historiques, culturels et sociaux, en nous appuyant sur nos réalités et nos valeurs, et en proposant une image africaine réhabilitée et culturellement forte.
Cette prise de conscience est fondatrice de notre renaissance et du devenir africain. Pour ainsi dire, nous avons un besoin vital de décoloniser les esprits dans tous les recoins de notre créativité. Cela doit nous guider en permanence dans nos actes et dans la construction de notre histoire, pour retrouver l’assurance de notre culture et de nos valeurs profondément humaines qui caractérisent l’imaginaire africain.
Amadou Elimane Kane, écrivain poète, enseignant et chercheur en résidence au sein de l’académie de Paris
La tyrannie du développement – Déconstruction d’un mythe..., Macky Idy Sall, essai, éditions L’Harmattan, Paris, 2014.