Il est des poésies majeures qui, contre les tragédies crépusculaires de nos horizons, foudroient les murs de l’ignorance, les murs de haine et de petitesse. Cette poésie-là redonne la lumière douce et apaisante aux humanités foudroyées par l’indifférence et l’oubli.
C’est tout ce que contient la poésie de Tanella Boni, dans son dernier recueil magnifique, Là où il fait si clair en moi, absolument poignant et fait avec une langue éthérée qui confine à l’absolu poétique. On connait le talent aux mille plumes de Tanella Boni mais on est toujours saisi par la justesse de son art qui lui donne cette noblesse poétique.
Ses textes, écrits sur un rythme très stylisé et très épuré, sonnent avec une grande profondeur, ponctués d’une lente retenue qui nous imprègne de toutes les images de ces va-et-vient poétiques.
Car il est bien question encore une fois d’exil, ce « mot détestable qui prend aux tripes », de douleurs, d’incompréhension face aux éternelles injustices. Il s’agit d’exclusion donc, celui de la poétesse d’abord, et ce moment du retour « au pays natal » et où le deuxième exil se bâtit tel un nouveau mur à franchir.
« Je traverse un pays sensible
À la couleur de la peau
J’ai l’impression de vivre au XIXe siècle
L’humanité en détresse
N’attend pas la clarté des mots
Pour nommer l’innommable »
Mais il est question aussi de tous les exils, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain qui frappent les êtres qui fuient la guerre, la misère, le danger et qui ne cherchent qu’à survivre au milieu des décombres, du gâchis organisé par les mains avides de ceux qui prônent la violence, la barbarie, l’argent, la religion extrême, le pouvoir, le sang.
Oui, Tanella Boni contient, dans son art poétique, toute sa révolte et son refus d’accepter l’inacceptable.
« Ils ont quitté leurs pays
Le cœur en bandoulière
Et leurs peaux en lambeaux
Gardent encore
Un silence indéchiffrable
Collé aux fenêtres
Des grandes illusions
Que les bien-pensants
Acclament à bras ouverts »
Par cette poésie ultime, nous sommes liés, par ces mots qui engagent une humanité à retrouver, nous sommes unis. Nos armes à nous les mots, comme elle l’écrit si justement.
« Seuls les mots te proposent
La longue marche
Vers la dernière oasis
Où étancher ta soif […]
Les mots sont mes armes préférées
Mots qui font la fête
Sur la parcelle où je veille
Au large de ma tête sentinelle »
Car Tanella Boni somme les êtres, tous les êtres à voir, à regarder, à écouter ce qui se passe dans les meurtrissures des prisons, des barbelés, des camps retranchés, cette liberté lacérée chaque jour par l’ignorance, la lâcheté, le racisme qui tue et achève l’espérance.
« Le ver est dans le fruit
Depuis toujours
La vérité de l’humanité est ailleurs
Ici même