Les fondements historiques du panafricanisme expliqués à la jeunesse est un ouvrage complet et inédit qui apporte la lumière sur une histoire erronée qui a semblé dominer le monde durant des années. Ce récit d’une centaine de pages, paru le 15 janvier 2016, détaille tous les faits historiques jamais enseignés à l’école et forme ainsi la jeunesse à être consciente et engagée. Dès le début du récit, l’auteur, qui est un éminent défenseur et militant des droits humains, grand penseur et chercheur, nous livre l’objectif principal de cet ouvrage qui se doit universel en ces termes « si je m’appuie sur l’histoire du panafricanisme en remontant ainsi le temps, c’est qu’il me parait fondamental de connaitre notre histoire dans toute sa complexité et dans toutes ses dimensions (…) »
Parler de ce livre, c’est comme se remettre en question et remettre en cause toutes les années passées à l’école ; se poser mille et une questions ? Pourquoi tant d’erreurs dans nos leçons depuis l’élémentaire ? Pourquoi tant de faussetés dans nos rapports ? Pourquoi personne n’a jamais pris l’initiative de nous éclairer sur ces questions fondamentales sur nos origines ? Ou simplement pourquoi autant d’esprits formatés et tordus ? Pourquoi l’absence d’esprit critique et un manque d’imagination et de créativité ? La réponse à tous ces pourquoi nous conduit à une proposition de l’auteur qui apparait en filigrane dans tous ces récits : celle d’une nouvelle école ; c’est-à-dire une école culturellement appropriée et qui rompt avec les représentations erronées et injustes favorisant une culture au détriment des autres. Une école nouvelle qui prend en considération toutes les dimensions culturelles de l’homme en tant que tel mais surtout l’homme dit de « couleur », sa vraie histoire, ses valeurs, ses croyances, coutumes et traditions, tout ce qui fait qu’il soit homme. Pour cela, il est d’une importance capitale de connaitre les origines du panafricanisme pour pouvoir aborder la question de l’identité noire.
Amadou Elimane KANE, en tant que chercheur digne de ce nom, a réussi un travail scientifique rigoureux et méticuleux : il s’agit d’un travail universel et indispensable sur l’histoire de l’humanité, l’origine de notre condition d’aujourd’hui ! Il part de l’explication du concept panafricanisme aux différentes mouvances de l’idéologie panafricaine en passant par ses origines, précurseurs (les moins connus) et les pères fondateurs. En lisant les premiers chapitres du roman, on voit la nécessité de revisiter le passé pour pouvoir construire l’avenir. L’auteur s’appuie sur des bases solides pour mettre la lumière sur des faits réels longtemps dissimulés. Cette entreprise confirme les propos de Djibril Tamsir Niane dans Soundiata, ou l’épopée mandingue : « le monde est vieux mais l’avenir sort du passé ». En effet, il n’est pas étonnant de voir l’engagement et la conviction avérés d’Amadou Elimane Kane en ce qui concerne le futur du continent africain qui retrouvera sa beauté et son innocence jadis volées.
Pour revenir au texte, on peut clairement voir les va-et-vient qui ont marqué l’histoire jamais contée de ce point de vue à la jeunesse africaine. Par la justification des dates et la précision de chaque évènement qui a fortement marqué la période de la traite négrière, jusqu’à son abolition, tout en tenant compte des résistances et des mouvements de révolte des esclaves, dessinant ainsi les prémisses majeures vers la constitution d’une nation noire unie et libre.
De la naissance à l’histoire du panafricanisme…
Selon la définition proposée dans Les fondements historiques du panafricanisme expliqués à la jeunesse, le Panafricanisme est un mouvement politique et culturel qui considère l’Afrique, les Africains et les descendants d’Africains, hors d’Afrique, comme un seul ensemble visant à régénérer et unifier l’Afrique, ainsi qu’à encourager un sentiment de solidarité entre les populations du monde africain. Il glorifie le passé de l’Afrique et inculque la fierté par les valeurs africaines (...)
On peut aller plus loin avec la vision de l’auteur en disant du panafricanisme qu’il est un mouvement qui encourage la pratique de la solidarité entre Africains ou qu’ils soient dans le monde, ces derniers liés par les mêmes aspirations qu’elles soient culturelles, politiques et sociales, en un mot l’unité ! Parler du panafricanisme nous fait penser aux hommes qui ont œuvré pour sa valorisation. C’est en ce sens qu’Amadou Elimane Kane évoque Cheikh Anta Diop, Joseph Ki Zerbo, Kwamé Nkrumah, Frantz Fanon, Césaire et Senghor. On sait que ces figures citées ont défendu l’identité noire fondée sur le panafricanisme. Plus encore, l’auteur revient sur le processus d’abolition de l’esclavage, sur le rôle des britanniques et les faits importants qui ont été longtemps dissimulés. Puis par un va-et-vient constant et précis, il fait défiler les grandes époques marquantes de l’histoire du panafricanisme, de sa genèse à sa problématique jusqu’à son expansion dans le monde d’aujourd’hui.
Toujours dans la pertinence de sa plume, Amadou Elimane Kane évoque les quatre grandes nations témoins des faits et parties prenantes des mouvements liés au Panafricanisme ; il s’agit des USA, du Brésil, des Caraïbes et de l’Afrique. Ainsi l’auteur nous montre les initiatives prises par les Noirs de la Diaspora et comment le combat a été mené.
S’ensuit le « Back to Africa », le grand rêve africain qui était considéré comme une utopie car organiser le retour de tous les Africains en terre mère n’était pas une entreprise entièrement réalisable. Ce qui donnera peut-être raison plus tard avec la dissolution de l’American Colonisation Society (ACS), qui constituait une association œuvrant pour le projet de retour en Afrique parmi tant d’autres. Le début d’un mercantilisme sans nom commis sur les hommes laissés en rade après la suppression de la traite négrière. Ensuite, l’auteur nous explique les nombreux mouvements d’émancipation des Noirs jusqu’aux thèses racistes diffusées et acceptées dans le monde. Ce qui aura comme suite les ripostes d’hommes illustres, mais très peu connus, et qui ont posé les premiers jalons du Panafricanisme. Antenor Firmin, avec un ouvrage intitulé De l’égalité des races (1885), répond à la thèse de Gobineau sur la hiérarchisation des races qui n’avait aucun fondement juste et respectable. Nous savons désormais, grâce à ce récit, que l’esclavage n’a pas été aboli par Victor Schoelcher en 1848, comme on nous le disait en classe de Cm2 et nous savons aussi que le panafricanisme ne date pas du 21e s avec Senghor et d’autres militants de la Négritude. Ce sont les précurseurs, Antenor Firmin, Edward W.Blyden, Henry Sylvester Williams et Benito Sylvain qui, dès le 19ème siècle, ont engagé le mouvement. Ils sont notamment à l’origine du premier congrès de 1900 à Londres. Les résolutions prises à l’issue de cette conférence sont attribuées à W.E.B Du bois ainsi que la paternité du panafricanisme. Cela me rappelle le programme de français en classe de seconde sur la partie de la littérature négro-africaine. On nous dit que le panafricanisme est né de l’œuvre de Du Bois, de Marcus Garvey et de George Padmore ! Même si ces hommes ont contribué ensuite au mouvement, ils n’en sont pas les créateurs.
A la première lecture, on a envie de relire pour pouvoir assimiler la vérité qu’on vient d’apprendre sur notre histoire. C’est comme une sorte d’électrochoc par rapport à tout ce qu’on a appris avant et qui n’est finalement qu’une infime partie de la véritable histoire. Après cette lecture, on comprend que nous avons sauté des étapes importantes et qu’il y a nécessité à réinsérer cet ouvrage dans nos programmes de base. On souhaite se l’approprier parce que c’est un ouvrage qui nous parle. Nous avons même l’obligation de l’étudier si on veut vraiment sortir de l’état d’esprit chaotique où l’on nous a longtemps enfermés. Tout comme nous comprenons qu’il ne suffit pas seulement de lire ce récit mais de le relire, s’en imprégner afin d’en faire une œuvre d’usage, un précis d’histoire qu’il faut étudier tout au long de notre vie. Pour conclure et parce qu’on ne peut pas tout dire sur cet enrichissant texte d’Amadou Elimane Kane, c’est un livre que je recommande. Je pense fortement qu’il faut le diffuser tout autour parce que c’est la seule alternative à la jeunesse pour mieux maitriser l’histoire du panafricanisme et aborder la Renaissance qui nous interpelle tous.
Banouna SAM
Les fondements historiques du panafricanisme expliqués à la jeunesse, Amadou Elimane Kane, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2016