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Actualités 2015

L'Afrique d'Amadou Elimane Kane

Article publié dans L'Enquête du 22 octobre 2015 Telechargement 23

Amadou Elimane Kane vient de terminer une trilogie dont le dernier maillon est ‘’Une si longue parole’’. EnQuête vous présente sommairement les dernières œuvres de l’auteur éditées par la maison ‘’Lettres de Renaissances’’.

Il ne défie pas forcément ses aînés, mais va quand même à l’encontre de leurs idées. Du moins, c’est ce que l’on peut retenir de la trilogie de l’écrivain, enseignant et chercheur Amadou Elimane Kane. ‘’L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë’’, ‘’Les soleils de nos libertés’’ et le dernier roman sorti en septembre dernier ‘’Une si longue parole’’ forment cette trilogie. Chaque titre nous laisse une impression de déjà entendu. Et c’est le cas. Le premier rappelle ‘’L’aventure ambiguë’’ de Cheikh Hamidou Kâne, le second n’est qu’une paraphrase des ‘’Soleils des indépendances’’ d’Ahmadou Kourouma et le troisième évoque ‘’Une si longue lettre’’ de Mariama Ba.

Trois ouvrages qui pourraient constituer de fort belle manière une anthologie de la littérature africaine. Comme dans les titres, les contenus aussi renvoient souvent le lecteur à ces romans-là. Même si des différences, il y en a énormément. Car si beaucoup d’analystes trouvent que le choc des cultures est très présent dans le roman de Cheikh Hamidou Kane, Amadou Elimane Kane lui ne croit pas à ce choc des cultures. Il l’a dit, lors de la présentation du dernier maillon de sa trilogie, dans un restaurant de Dakar. Malgré tout, comme l’a souligné le journaliste culturel Gilles Arsène Tchedji, parlant de ‘’L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë’’, ‘’ce récit passionnant sonne en écho à l’œuvre de l’écrivain Cheikh Hamidou Kane’’.

Car, dit-il, ‘’il dénonce en réalité les injustices, toutes les injustices et exhorte à la solidarité dont la première forme est d'aider l'autre à apprendre, à acquérir de la connaissance’’. Aussi, sur la quatrième de couverture, il est écrit : ‘’C’est le récit de plusieurs vies. Boubacar, jeune Sénégalais, quitte son pays en espérant trouver une vie meilleure en France. A force de travail, de ténacité, il réussit ce dont il avait toujours rêvé, devenir un homme, un intellectuel, un homme droit. Samba Diallo, homme politique et autre personnage du récit, n’est plus dans l’ambigüité et a choisi de rompre avec l’intérêt général’’.

Montrer ‘’une autre voie…, celle de la renaissance, du savoir’’

Dans ‘’Les soleils de nos libertés’’, M. Kane met le lecteur face à Moussa qui serait le ‘’Fama’’ de Kourouma. Seulement, Moussa est plus optimiste que Fama et a une plus grande estime de soi. Et tel que le résume Gilles Arsène Tchedji, dans sa présentation de l’ouvrage, il ‘’aborde la question d’une pédagogie de l’humain par la poésie. A travers cette publication, l’auteur porte la voix de la jeunesse. D’abord, Dieynaba, la collégienne exilée, fille de Samba Diallo, Moussa, l’étudiant à Sciences Po. Abdul, étudiant en France, ami de Moussa, dont la mère, dans ses lettres, parle la langue des oiseaux. Tous tournés vers l’excellence scolaire.

Tous aussi voués aux exils intérieurs ou extérieurs comme étapes nécessaires de l’existence humaine’’. En outre, dans  ce roman, il est aussi question pour l’auteur de montrer ‘’une autre voie de l’image du continent africain, celle de la renaissance, du savoir, de la transmission qui doivent bâtir les soleils essentiels, ceux d’une liberté qui ne soit plus condamnée à la corruption, aux mensonges cruels, à l’irréel dévastateur’’. Ainsi, ‘’la terre africaine est le fruit du travail des hommes, de leurs enfants et des enfants de leurs enfants’’, lit-on sur la quatrième de couverture.

 ‘’Une si longue parole’’ est le dernier livre de l’auteur disponible en librairie, depuis le 15 décembre passé. Jusque dans la trame, ce livre ressemble à celui de Mariama Ba. Mais ici, la femme ne fait pas que subir des choses, elle agit et arrive à changer des choses. Loin de la personnalité de Ramatoulaye, celle de Fatimata est dominatrice. L’avocate ne se soumet pas totalement et a su prendre les choses en main quand il le fallait. Fatimata n’en est pas pour autant un anti-modèle social. Elle est donc, selon Amadou Elimane Kane, ‘’la femme qui mène le combat pour la justice jusqu’à rompre avec son mari. Et dans le livre, elle fait appel aux enseignements de Thierno Souleymane Baal’’, fait-il savoir.

Le point commun de ces trois livres, en plus d’avoir le même auteur, est qu’ils présagent un avenir meilleur pour l’Afrique. Ces livres nous montrent une Afrique nouvelle qui peut compter sur elle, donc, qui est capable. 

BIGUE BOB

 

L’écrivain Amadou Elimane Kane exalte l’afro-optimisme dans une trilogie romanesque

Article publié dans Le Soleil du 21 octobre 2015

Amadou elimane kane ecrivain

Après « L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë » et « Les Soleils de nos libertés », l’écrivain-poète Amadou Elimane Kane complète sa trilogie littéraire avec « Une si longue parole ». A travers ces trois ouvrages, l’auteur étale sa vision d’une Afrique émergente, laquelle, selon lui, doit se réapproprier ses légendes, contes, mythes, brefs ses propres récits.

On le savait panafricaniste convaincu et afro-optimiste persuadé. Dans ses nombreux articles portant sur la Renaissance africaine et publiés dans des revues scientifiques, cela transparaissait. Désormais, toute cette philosophie, cette vision de l’Afrique debout et conquérante en laquelle il croit fortement, Amadou Elimane Kane l’a consignée dans une trilogie de récits, à savoir « L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë » et « Les Soleils de nos libertés », publiés en 2014 et que vient de compléter « Une si longue parole » paru en septembre dernier. Cela saute aux yeux, ces titres rappellent, à bien des égards, des ouvrages célèbres : « L’Aventure ambiguë » de Cheikh Hamidou Kane, « Les Soleils des indépendances » d’Ahmadou Kourouma et « Une si longue lettre » de Mariama Bâ. Amadou Elimane Kane l’a fait à dessein.
Cette démarche littéraire sur laquelle il est revenu largement, vendredi passé, au cours d’une rencontre avec la presse, l’auteur l’explique par le souci d’opérer des ruptures d’avec un certain discours afro-pessimiste. Ainsi, pour se mettre dans la voie de l’émergence, il invite les Africains à écrire « un roman continental au pluriel », « une narration collective » qui se baserait sur leurs propres récits. « Pour émerger, pour cheminer vers l’émergence, vers la renaissance africaine, il faut que les Africains et l’Afrique écrivent un roman continental au pluriel, parce qu’on ne peut pas faire émerger l’Afrique en rejetant ses légendes, ses contes, ses mythes, ses récits. On ne peut pas aller vers l’émergence et la renaissance lorsque ces récits sont rejetés », dit-il de sa voix de stentor, debout comme un bon pédagogue.
Parmi ces récits, dont lui-même s’inspire dans ses écrits, il cite « La Charte du Mandé », « Les recommandations de Thierno Souleymane Baal », l’instigateur de la Révolution Torodo de 1776, voire l’histoire des grandes figures féminines africaines comme la reine Nzinga, Ndatté Yallah etc. Selon Amadou Elimane Kane, c’est l’absence d’une narration collective qui conduit fatalement à une situation de crise métaphysique, morale et intellectuelle. « Le récit, en tant que mode de pensée et manière de construire une conception de ce que nous sommes dans l’univers, fournit à ses membres des repères, des modèles d’identité et des modèles d’action. Lorsqu’il y a un déficit de cette dimension récit, cela provoque cette crise. Quiconque détient les récits d’un peuple détient effectivement son âme. D’où la démarche que je propose dans cette trilogie », explique-t-il.

Une trilogie qui prend le contrepied thématique des classiques
Ainsi, dans « L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë », Amadou Elimane Kane prend le contrepied de Cheikh Hamidou Kane, lequel, dans « L’Aventure ambiguë », fait de Samba Diallo un homme tiraillé entre deux fidélités : l’enseignement coranique des Dialobés et la philosophie occidentale, et qui finira par être tué par un fou désespéré. Le livre se referme sur une ambiance de désespoir. Or, dans l’ouvrage d’Amadou Elimane Kane, on célèbre l’espoir. Samba Diallo est incarné par Boubacar, un jeune Sénégalais, parti faire ses études en France et qui, à force de travail, de ténacité, réussit à devenir ce dont il avait toujours rêvé : devenir un homme, un intellectuel, un homme de droit qui n’est nullement tenaillé par un quelconque choc des civilisations. « Mon personnage Boubacar est Samba Diallo dans « l’Aventure ambiguë », mais je fais de lui celui qui s’approprie du savoir. On nous a laissé croire que nous étions confrontés à un choc culturel, c’est faux. C’est une construction, cela n’a jamais existé. Boubacar va faire de bonnes études et il va assumer les choses de façon très belle », avance Amadou Elimane Kane. Dans « Les Soleils de nos libertés », l’auteur veut sortir de « l’impression désabusée » dans laquelle laisse, selon lui, Ahmadou Kourouma dans « Les Soleils des indépendances » où l’auteur ivoirien met en opposition l’Afrique ancestrale et l’Afrique moderne. Il prend Fama, le personnage de Kourouma, et en fait Moussa, un jeune qui incarne la renaissance de l’Afrique. « Dans ce livre, je mets en exergue tout le potentiel de l’Afrique. On n’est plus dans les impressions désabusées, mais dans l’appropriation, l’émulation, l’exaltation de la connaissance de soi, de l’estime de soi et de la confiance en soi. Pour dire qu’il n’y a jamais eu de rupture avec l’Afrique ancienne, c’est juste des mutations qui s’opèrent », martèle M. Kane. Il pense que d’ici 2023, l’Afrique peut être le continent phare, mais à condition que le népotisme, la corruption et l’impunité cessent.  
Quant à « Une si longue parole » qui parachève sa trilogie, Amadou Elimane Kane le veut comme « un hymne à la créativité et à l’espoir ». Si dans « Une si longue lettre », Mariama Bâ pose la question de la polygamie et de la condition féminine africaine, Kane, lui, fait remplacer Ramatoulaye par Fatimata et lui fait porter un certain nombre de combats. En effet, cette femme confrontée au mensonge moral de son mari avec qui elle divorcera, au contraire de Ramatoulaye, va raconter son histoire, ses années d’études, son mariage, son destin d’avocate et son engagement profond pour défendre la justice, l’équité. « Cet ouvrage est un plaidoyer pour une Afrique nouvelle. Il n’évoque pas, comme celui de Mariama Bâ, la polygamie. Il dessine plutôt un personnage qui incarne les droits humains et parle d’une Afrique où la femme est aux commandes », dit-il.

Elhadji Ibrahima THIAM

 

Amadou Elimane Kane porte sa Kane: Une Si longue parole

Article publié sur le blog Mamane du KOtidien le 20 octobre 2015                            

Amadou elimane kane 007J'ai eu du plaisir à le rencontrer. D'être devant cet homme imbu de tellement de qualités.
Cet homme que j'admire à sa juste valeur.
J'ai eu le privilège d'avoir une dédicace spéciale 
Pour: L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë,  
Les soleils de nos libertés 
et Une si longue parole
Une parole dont, j'ai aujourd'hui, plaisir à partager avec vous mes notes de lecture. 

Se faisant maître de la Parole 
Amadou Elimane Kane porte une réplique 
Une si belle réplique à Une si longue lettre de Mariama Bâ. 
Pourtant sa parole à lui n'est pas si longue: juste 83 pages
Elle se résume à de simples choses, pour qui saura bien en décrypter le sens. 
Amadou Elimane Kane propose en somme 
Une vision nouvelle, du Sénégal et de l’Afrique tout entière,
Reposant sur ses propre récits. «Notre propre récit».
« Com­ment voulez-vous faire émerger l’Afrique en rejetant 
ses récits, ses contes, ses mythes ?» je me le demande justement
Faudrait-il, sans doute écrire un roman continental Africain. 
Pour s'affranchir d'un long passé colonial
Pour réparer des siècles de négation 
Et puis quel repère pour cette jeunesse ? 
S'il n'y a aucune narration collective pour lui permettre de savoir ?
Je ne sais pas. 
A vous de me le dire M. Kane. 
 
L'histoire de l'Afrique, est pourtant parsemée de beaux récits, nous apprend-il. 
Surtout ceux qui concernent les femmes.
Ces vaillantes, qui jamais n'ont croisé les bras face au colon.  
Ces géantes, qui jamais n'ont accepté l'affront.
De Ndatté Yalla du Walo, à la reine Zingha d'Angola, en passant par la reine Pokou d'Ashanti, et la princesse Yennenga du Burkina on remarque partout la Solitude de Mulâtresse.
Dans Une si longue parole, Fatima incarne avec forte conviction tous ces visages.
L'avocate mène le combat de l’équité contre l’injustice, 
Le combat de la bonne gouvernance contre la malversation. 
Elle veut surtout atteindre l’émergence et repose toute sa plaidoirie
Sur le socle des croyances ancestrales, 
de l’oralité et de l’éducation qu’elle a reçue de «l’Alma­miyyat». 
 
«Une si longue parole est un plaidoyer pour une Afrique nouvelle...
Une Afrique où la femme est aux commandes ».
Pourtant Amadou Elimane Kane ne se limite pas. 
Il sort des sentiers battus de sa lutte panafricaine pour s’intéresser au sort de l'étudiant.
Il brosse un tableau sombre du système éducatif Sénégalais. 
Où seuls les gens aisés ont la chance de réussir. 
A l'université les conditions estudiantines sont extrêmes comme 
L'extrême pauvreté côtoie au village l’opulence indécente des plus riches,
Cela le révolte à coup sûr. 
Mais ce qui titille le plus les nerfs de notre bien aimé Kane, 
c'est sans doute l’opulence de Bii lamdo et de Wodjéré. 
Des noms, sciemment choisis dans une langue peulh, et qui révèlent 
Combien Amadou Elimane Kane est soucieux de la destiné de sa Nation.
 
«Je prends ma parole pour dénoncer, 
Refuser ce destin qu'on veut nous forcer à vivre 
et offrir l’espérance, la grandeur flamboyante de la renaissance ».
 
Mamane du KOtidien 

Dissection d'une démarche littéraire : Une si longue parole, troisième volet de la trilogie d'Amadou Elimane Kane

Article publié dans Sud Quotidien daté du 17 octobre 2015 Amadou elimane kane

A la dizaine de journalistes qui assistait, hier vendredi 16 octobre, à la présentation du troisième roman de sa trilogie, l’écrivain et poète Amadou Elimane Kane est allé bien au-delà d’ « Une si longue parole », selon l’intitulé de sa nouvelle publication. L’auteur, qui travaille déjà sur son prochain texte, a surtout disséqué sa « démarche littéraire », assumant ses emprunts à quelques grands classiques africains, « L’Aventure ambiguë » : pas de nihilisme, certains étaient là avant…A 56 ans, Amadou Elimane Kane travaille 56 heures par semaine, histoire de pouvoir «cheminer vers l’excellence», et avec la conviction que l’Emergence, ce serait pour 2023. Mais encore faudrait-il que…

 

Dans la suite logique des deux précédents, ce troisième roman de la trilogie littéraire de l’écrivain et poète Amadou Elimane Kane est résolument un texte aussi engagé que peut l’être son auteur. Publié aux éditions Lettres de Renaissances, comme les deux autres d’ailleurs, l’ouvrage s’intitule Une si longue parole, allusion certaine et sans doute aussi clin d’œil assumé à l’ouvrage d’une «grande dame» comme Mariama Bâ, qui rédigeait en 1979 un de ces classiques que l’on retrouve un peu dans toutes les bibliothèques : Une si longue lettre. Si le titre d’Amadou Elimane Kane détourne plus ou moins celui de la romancière, c’est peut-être parce qu’il a gardé un peu de cet esprit qu’il y a dans le texte de 1979. Une si longue parole parle aussi de condition féminine. On y découvre Fatimata, héroïne du roman et héroïne tout court, qui de sa «voix délicate» va mener son combat à elle pour l’équité, la justice et la bonne gouvernance.

Quelque part, Fatimata lui ressemble. Car dans cet ouvrage comme dans ses précédentes publications, Amadou Elimane Kane, qui présentait son livre en comité plutôt restreint, au cours d’une cérémonie peu protocolaire qui s’est tenue hier, vendredi 16 octobre, reste fidèle à lui-même et à ses convictions : idéaliste, forcément, certainement pas naïf comme il dit, résolument panafricain et afro-optimiste. On y retrouve quelques-unes de ses batailles légendaires : contre le népotisme, l’impunité et la corruption, «responsables de l’immobilisme culturel africain».

Dans sa démarche intellectuelle, Amadou Elimane Kane s’amuse encore à interroger certains de ces concepts plus ou moins dans l’air du temps : l’Emergence par exemple, mais de façon critique voire circonspecte. Nous n’y arriverons pas pour ne pas dire que l’Afrique n’y parviendra pas, si elle prend le risque de rejeter ses codes et ses légendes, ses mythes et ses récits.

Amadou Elimane Kane, qui dans ses travaux de recherche s’intéresse énormément à la notion d’oralité, mais sans l’opposer à l’écriture, explique que le récit n’est en fait que la manière, pour une culture quelle qu’elle soit, d’appréhender le monde. A tel point que comme il dit, «quand on détient les récits d’un peuple, on détient aussi (un peu de) son âme (…) Le Congrès de Berlin a saucissonné l’Afrique et ce sont encore les récits de Berlin qui nous façonnent». Ce qui explique sans doute selon lui cette sorte de déroute africaine, dans un contexte de «crise morale, intellectuelle et métaphysique».

Samba Diallo, lui aussi, s’est perdu, «écartelé entre deux fidélités», et Amadou Elimane Kane prend la liberté de l’emprunter à Cheikh Hamidou Kane. Même si dans «L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë», un intitulé qui ne pourrait pas cacher ses origines, Samba Diallo s’appelle désormais Boubacar. On y parle de «choc culturel», mais avec des pincettes : l’expression évoquerait une certaine «vue de l’esprit», et pour Amadou Elimane Kane, ce n’est dans le fond qu’une «construction» ou «un regard condescendant de l’Occident».

Et lorsqu’il parle d’exil ou d’immigration, son discours est plus ou moins le même : «Les gens se sont toujours déplacés en fonction de leurs besoins, et il suffit parfois d’interroger nos origines», les nôtres comme celles des autres d’ailleurs.

Amadou Elimane Kane fait encore quelques emprunts à un texte comme «Les Soleils des indépendances» de Ahmadou Kourouma, un ouvrage «partagé entre l’Afrique ancestrale et l’Afrique moderne», et où sur la fin, «l’auteur nous laisse sur une impression désabusée». Pour Amadou Elimane Kane, on a pourtant quasiment tout en Afrique, il est là le potentiel, il suffit seulement de «former la jeunesse». Et s’il y a bien un message qui traverse chacune des œuvres de cette trilogie littéraire, c’est sans doute celui-là : «Que l’on s’approprie donc le savoir parce que rien ne tombe du ciel et que tout s’apprend». Amadou Elimane Kane dit encore que si ses livres à lui ne devaient «pas produire du sens», que l’on veuille donc bien les jeter.

Théodora SY SAMBOU

Amadou Elimane Kane présente à la presse sa trilogie littéraire : «Il faut que les Africains écrivent un roman continental»

Cette rencontre est publiée dans Le Quotidien daté du 17 octobre 2015 Aek cp

L’écrivain-poète Amadou Elimane Kane a présenté hier au Just 4 U à la presse culturelle nationale sa trilogie littéraire. Après L’Ami dont l’aventure n’est pas ambiguë et Les soleils de nos libertés, parus aux éditions Lettres de Renaissances en décembre dernier, Amadou Elimane Kane ramène au bercail Une si longue parole. Edité en septembre passé, ce dernier ouvrage de la trilogie littéraire offre un nouveau regard par rapport à Une si longue lettre de Mariama Bâ. Amadou Elimane Kane propose en somme une vision nouvelle du Sénégal et de l’Afrique tout entière reposant sur les récits africains. «Notre propre récit».

«Il faut que les Africains écrivent un roman continental. Qu’ils l’écrivent au pluriel pour partager une narration collective. Com­ment voulez-vous faire émerger l’Afrique en rejetant ses récits, ses contes, ses mythes… ?» Voilà la vision que propose dans sa trilogie littéraire l’enseignant de lettres, poète et romancier Amadou Eli­mane Kane. Une vision fondée sur le récit commun, l’oralité. Dans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, M. Kane ressuscite le personnage de Samba, incarné par Boubacar. Ce dernier ira bien jusqu’au bout de ses rêves et ne connaîtra pas ce choc culturel dont les écrivains de l’époque postcoloniale ont tant parlé. «Samba Diallo est écartelé entre deux fidélités : l’éducation coranique des Diallobés et celle qu’il a reçue à la Sorbonne. Le livre se referme sur une forme de désespoir, Samba est tué par un fou.» De même, dans Les soleils de nos libertés, Amadou Elimane Kane s’oppose à la dynamique de négation. L’écrivain s’inscrit en faux, balayant d’un revers de main tous les «préjugés néfastes» qui opposaient l’époque dite ancienne de celle moderne. Il nettoie l’Afro-pessimisme qui habitait les intellectuels de l’ère postindépendance par un Afro-optimisme.
«Kourouma nous laisse dans un état désabusé», regrette-t-il. «J’ai alors repris Fama (Le personnage principal dans Les Soleil des indépendances de Ahmadou Kourou­ma) pour en faire Moussa dans Les soleils de nos libertés.» Dans ce dernier ouvrage, l’auteur entend faire de l’émulation et exalter des valeurs telles que la confiance et l’estime de soi. Dans cet esprit, il fixe un deadline de 10 ans, pour dire qu’«en 2023, l’Afrique peut être un continent phare. Mais à une seule condition : que le népotisme, la corruption et l’impunité cessent» ! Dans Une si longue parole, il y a déjà de grands personnages capables de conduire la destinée de l’Afrique très haut, l’Afrique qui émerge. Ici, Fatimata incarne bien le rôle de Rama­toulaye dans Une si longue lettre de Mariama Bâ. A la seule différence que cette dernière, elle, a su divorcer pour mener le combat de l’équité contre l’injustice ainsi que celui de la bonne gouvernance contre le détourneur de deniers publics. Tout en reposant ces principes sur le socle des croyances ancestrales, de l’oralité et de l’éducation qu’elle a reçue de «l’Alma­miyyat». «Une si longue parole est un plaidoyer pour une Afrique nouvelle. Cet ouvrage n’évoque pas, comme celui de Mariama Bâ, la polygamie. Il dessine plutôt un personnage qui incarne les droits humains et parle d’une Afrique où la femme est aux commandes».
Amadou Elimane Kane propose en définitive une vision, sa propre vision de l’Afrique tout en usant de beaux procédés littéraires allant de l’anaphore, aux métaphores en passant par l’art du langage des oiseaux. Dans ces trois ouvrages, il invite surtout à la réflexion en offrant une belle symphonie des images, des sonorités. Valsant entre prose et vers, le poète-écrivain propose une belle façon d’opérer des ruptures. «Je suis à la quête du beaux, du vrai, du juste, du bon. J’opère au niveau des ruptures d’autres ruptures. Je suis tout de même dans une démarche de transmission et de construction de sens. Et si vous trouvez que les livres que je vous propose ne produisent pas de sens, jetez-les alors !», a-t-il conclu.

Une si longue parole, Amadou Elimane Kane, récit, éditions Lettres de Renaissances, Paris-Dakar, septembre 2015

Propos recueillis par Aïssatou LY

 

Amadou Elimane Kane : Avec une si longue parole, je propose une vision nouvelle du continent

Aek une si longue parole Entretien publié dans le journal Le Quotidien, rubrique Culture, le 13 octobre 2015

Auteur prolixe, Amadou Elimane Kane vient de faire paraître aux éditions Lettres de Renaissances, la dernière œuvre de sa trilogie. Intitulé Une si longue parole, cet ouvrage sera disponible dans les librairies à Dakar dans les prochains jours. En attendant, nous avons voulu lever avec lui un coin de voile sur sa démarche littéraire et le contenu de son opus.

M. Kane, comment naissent vos livres ?
Je suis un homme engagé, un écrivain engagé. J’assume les valeurs que j’ai choisies et je donne, grâce à ce libre choix, un sens à mon existence. Je chemine toujours vers une ouverture absolue au monde portant ces 3 valeurs qui sont : savoir, travail et justice. Le monde culturel qui m’habite est pluriel, riche et ouvert. Mon espace n’est pas étriqué. Je m’attache aux couleurs multiples de la cosmogonie dans laquelle il y a un va-et-vient fondateur de mon inspiration. Ce qu’il faudrait retenir : l’exil est un des piliers de mon existence, un des piliers aussi de ma créativité. Là où je me trouve, je combats les injustices quel que soit leur nature. Je milite contre les injustices et je puise dans la vie qui m’entoure, dans les êtres que j’observe, dans les regards que je croise, dans le monde parfois beau et dans le monde parfois laid. La nature de mon écriture est à ce carrefour. C’est ma singularité. Il n’existe pas d’un côté l’homme et d’un autre l’écrivain. Tout est lié et fait sens pour moi. Je travaille la langue, les images, le rythme, les répétitions, les allitérations, la mise en page, la langue orale. Voilà comment naissent mes livres, par la vie, par le partage humain, par un regard absolument attentif au monde. C’est en ces termes là que je fais jaillir toute ma créativité.

Que doit-on retenir de votre dernier livre, Une si longue parole ?
 Ce qu’on peut retenir de mon livre qui vient de sortir et qui s’intitule Une si longue parole, c’est que c’est une trilogie : il y a eu d’abord L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, Les soleils de nos libertés et là aujourd’hui, Une si longue parole. Parce que tout simplement je veux aujourd’hui proposer une nouvelle vision du continent. De quoi s’agit-il ? Lorsque je parle d’une nouvelle vision du continent, je veux tout simplement poser le problème de la transmission. Parce qu’aujourd’hui, un des plus grands problèmes du continent se situe au niveau de la transmission. D’où la démarche qui consiste à s’inscrire non seulement dans la continuité, mais également dans la rupture. Là, vous avez vu, j’ai fait allusion à L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, je fais également allusion aux Soleils des indépendances de Amadou Kourouma et aujourd’hui je fais allusion à Une si longue lettre de Mariama Ba. Dans Une si longue parole, je voulais une voix unique et féminine comme un hymne de la créativité et de l’espoir. Fatimata est la seule héroïne du récit. C’est par sa voix construite au jeu et par ses sentiments que nous suivons son destin et ses choix. Je voulais construire un personnage dense, complet, en lui laissant le fil du récit et qu’il n’y ait pas de rupture entre sa parole et les évènements qu’elle traverse. Ce qu’il faut retenir dans Une si longue parole où je propose donc cette vision nouvelle du continent qui nous projette dans un avenir radieux, c’est que je cherche toujours à dénoncer les injustices, l’irréel mensonger, la corruption et essayer de trouver des pistes pour les écarter durablement.

Le personnage principal incarne-t-il donc cette lutte, ce combat pour une vision nouvelle de l’Afrique ?
Dans Une si longue parole, Fatima qui est le personnage principal incarne le combat pour la justice. Ce qui est un choix. Et je puise à travers des références historiques et culturelles africaines pour rappeler et laisser des traces de notre mémoire. Parce qu’aujourd’hui, ce que l’on nous propose comme modèle de société ne correspond pas réellement à notre patrimoine historique. Aujour­d’hui, ce que l’on nous propose comme modèle de société relève des valeurs d’accaparement, d’injustice, d’irréel mensonger que je dénonce dans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë. Et je puise dans nos références historiques pour dire qu’on peut effectivement bâtir un continent lumineux, prospère, modèle, un contient phare, car nous avons tout le potentiel. Nous avons le potentiel humain, nous avons le potentiel naturel, les ressources minières. Nous avons tout dans ce continent. Et donc, dans Les soleils de nos libertés, je reprends tout cela et je fais appel à l’«almamia» de Thierno Souley­mane Baal évoqué dans le livre, dans Une si longue parole, comme le symbole des valeurs qui sont les nôtres et que nous devons absolument défendre pour conduire à un changement pour la renaissance, la créativité et l’intégrité. A travers l’histoire de Fatimata, je cherche toujours à dénoncer la traitrise morale, la faillite du système politique, l’absence d’éthique, la corruption, la médiocrité ambiante qui ne permet plus l’harmonie et l’espérance. D’où le texte qui s’intitule Une si longue parole et qui sera en librairie à la fin du mois à Dakar.

La simplicité et la couleur frappante de la couverture de ce livre nous poussent à nous demander pourquoi vous avez fait ces choix…
Vous savez, cette question me transporte dans des frissons parce que cela prouve que vous êtes un homme de culture. Vous avez vu L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë. J’ai illustré la couverture avec de la couleur ciel. Pour Le soleil de nos libertés, c’est la couleur du soleil. Et pour Une si longue parole, j’ai préféré la couleur terre. C’est les couleurs africaines. Je me suis appuyé sur cette couleur parce que j’aime bien la couleur ocre, la couleur terre. Lorsque vous allez à Tombouctou, à Gao, lorsque vous allez dans les fins fonds d’Ifè, c’est cette couleur ocre que nos ancêtres utilisaient. C’est d’une importance capitale dans ma démarche d’appropriation de ce patrimoine culturel et héritage historique. Parce que chez moi, rien n’est neutre dans mon écriture. J’essaie de faire appel à tout pour pouvoir porter ces valeurs que je défends et que nous défendons tous. Donc pour répondre de manière précise, je fais effectivement appel aux couleurs africaines, notamment à la couleur ocre pour illustrer cet ouvrage.  

Au regard du travail de transmission des savoirs que vous faites, n’y a-t-il pas nécessité d’introduire vos livres dans le système éducatif africain ?  
Je pense de manière objective qu’il y a lieu d’introduire ces ouvrages dans le système, dans la mesure où il y a cette démarche de continuité et de rupture. Lorsque l’on prend L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, les problèmes que je pose sont du 21ème siècle et qui sont la question de l’immigration, de l’appropriation du savoir, des appartenances, de l’homme tout court. Contrairement à Cheikh Hamidou Kane dans L’aventure ambiguë où Samba Diallo habite des angoisses écartelées entre deux fidélités : à l’enseignement coranique reçu du maître des Dialobés et à la philosophie occidentale découverte à la Sorbonne. D’où la solution de Cheikh Hamidou Kane, cette solution désespérée du meurtre de Samba Diallo par le sang. Vous avez vu dans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë : Samba Diallo va faire de bonnes études, mais aussi le choix d’opprimer son Peuple. Ce sont là les ruptures que j’opère. Lorsque l’on prend exemple sur Amadou Kourouma dans Les soleils des indépendances, l’Afrique ancienne est morte symbolisée par Fama, alors que dans Les soleils de nos libertés, l’Afrique sera en 2023 un continent phare où les Asiatiques, les Européens viendront immigrer. Ce sont là des ruptures que j’opère. D’où l’importance d’enseigner ces ouvrages que je propose aux Africains et à l’humanité parce qu’il y a eu beaucoup d’articles sur ces ouvrages qui ont été écrits par des professeurs, etc. Je peux même vous confier que dans l’Académie de Paris, ces ouvrages sont recommandés. Comme aussi certains de mes ouvrages parlant de la lecture, l’écriture et l’oralité qui sont sélectionnés par l’Académie de Paris.

Une si longue parole, récit, éditions Lettres de Renaissances, Paris-Dakar, septembre 2015

Propos recueillis par Gilles Arsène TCHEDJI

L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë ou une belle leçon d’humanisme

Article publié sur le site de Xalima le 13 septembe 2015 Aek m4

Dans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, récit d’humanité, d’espoir et de générosité, Amadou Elimane KANE montre que l’homme est au-dessus de tout, capable de se construire et d’évoluer pour peu qu’il ait confiance en lui-même. Comme dit Protagoras, « l’homme est la mesure de toutes choses ». Amadou Elimane KANE dénonce les injustices, toutes les injustices et exhorte à la solidarité dont la première forme est d’aider l’autre à apprendre, acquérir la connaissance. A travers Boubacar, l’on se rend compte qu’avec le savoir et la terre, on peut repousser les limites de l’ignorance et de la misère.

Boubacar a connu toutes sortes de souffrances, dès sa tendre enfance au sein d’une famille polygame, dominée par une tante sévère et autoritaire (première épouse de son père) ; le père souvent absent, il voit sa mère souffrir en silence. Dans un premier temps il décide d’arrêter ses études pour voyager, car il est convaincu de ne pas trouver la réussite dans son pays mais plutôt, (barça ou barsakh) en Europe « quels que soient les dangers et les difficultés ». Le chemin a été long et difficile de Saint Louis en France en passant par Dakar, Thiès, Kayes avant d’arriver à Bamako puis à Abidjan. Retour à Bamako où il retrouve avec émotion sa bienfaitrice et le mari de celle-ci, Alioune, avant de poursuivre sa route : Gao, Niger, Anefis, Tessalit avec d’autres compagnons de voyage qui voulaient quitter l’Afrique, car leurs « projets n’auraient de sens que sur l’autre continent ».

Le chemin vers Paris périlleux, difficile et parsemé d’embûches, de tracasseries de toutes sortes et de privations n’a pas empêché à Boubacar « d'arriver » et de  retrouver des raisons d’espérer mais c’est comme qui dirait le début des vraies souffrances. La rencontre avec son frère Alpha Ciré est un échec. En accompagnant son ami Paul à l’Université, Boubacar rencontre Samba Diallo, son ami d’enfance. Ce dernier l’aide, le soutient, lui montre la voie sans rien attendre en retour. Cette entrevue remplit Boubacar d’une étincelle de lumière qui rend son cœur plus léger.

Plus tard, malheureusement, Samba Diallo choisit de tourner le dos à l’intérêt général pour pactiser avec le pouvoir qui « le tenait et ne desserrait pas son étreinte » jusqu’à la prison et l’humiliation. Avec Samba Diallo, les fruits n’ont pas su porter la promesse des fleurs. Boubacar n’est pas d’accord avec lui mais ne l’abandonne pas, au nom de sa « fraternité indestructible ».

L’Europe a sa part de responsabilité dans la déchéance de l’Afrique mais celle-ci est porteuse de son image, il est donc malhonnête de considérer qu’elle est la cause de tous les maux des Africains. La question qu’il faut se poser est de savoir pourquoi les Européens ne peuvent pas reconnaître le potentiel des Africains. Pourquoi ne voient-ils chez le noir que « celui qui est incapable d’exercer des responsabilités »? Pour exemple, Boubacar avec toutes ses connaissances, son savoir et sa formation ne peut débuter son enseignement sans la présence de la directrice d’école. Malgré le manque de confiance de ses chefs, la raillerie et les méchancetés de ses collègues, Boubacar est allé jusqu’au bout de son rêve. Les Européens craindraient-ils d’être dépassés? Savent-ils que l’Afrique est le continent de l’avenir ? Laissant la réponse EN SUSPENS, L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë  nous invite à repenser nos systèmes de valeur pour nous développer, c’est-à-dire à privilégier l’honnêteté, la générosité et le savoir.

Par ailleurs aider  l’autre à savoir c’est l’aider à se construire tel Abdul, le fils de Mariam Asta KANE, la femme dont l’aventure est un vrai poème. Bocar Sokhna, l’homme au regard de braise, consacre quant à lui la majeure partie de son temps au Domaine qu’il fait exister à force de courage et de détermination. Leur souhait est que, plus tard, Abdul prenne la relève mais leur fils a en vue des horizons plus larges, aidé en cela par Boubacar. Abdul va poursuivre ses études en France.

Il est plus chanceux que Demba Diallo et Nabou, éperdument amoureux l’un de l’autre en dépit des stupides préjugés de « classe » s’opposant à leurs sentiments. Leurs parents respectifs croient que le mélange des classes crée des problèmes et s’opposent farouchement à leur union. Mais l’amour étant une chose infinie, ils reconstruisent leur vie en suivant un principe simple : s’aimer d’un amour vrai, inaltérable, y croire et être en mouvement en acceptant le prix de leur courage. Et avancer. L’amour ne doit pas être  un obstacle à l’ordre établi, il doit « obéir à une alchimie que le cœur doit suivre ». « Rien n’est plus dangereux que la fameuse appartenance », nous rappelle d’ailleurs à ce propos Amadou Elimane Kane.

Amadou Elimane Kane montre dans son récit que si l’homme entreprend et réussit de grandes réalisations, c’est parce qu’il bénéficie de la présence douce et aimante d’une femme, qu’elle soit mère, sœur, amie, épouse etc. Si Boubacar est resté à l’école, Amy, sa mère s’est battue avec ardeur. Ensuite il a eu la chance de rencontrer Collé dans le train de Dakar à Bamako, plus tard Julia qui l’accompagne jusqu’à Rome. En France, Anne-Marie lui offre « son amour avec force et authenticité », ce grâce à quoi « Boubacar n’était plus seul ».

Samba Diallo n’a pas écouté les sages paroles et recommandations préférant sa fuite en avant vers une extraversion qui finira par le perdre. Grâce à Nabou, Demba Diallo a réussi à surmonter son désespoir.

En définitive, L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë est un récit de générosité et d’ouverture écrit dans une langue de toute beauté, avec des phrases simples et claires au travers desquelles Amadou Elimane Kane nous invite à considérer l’homme dans sa qualité fondamentale d’être humain, comme son prochain, comme une liberté et une conscience. C’est une belle et utile leçon pour les jeunes Africains, car le développement passe par l’éducation, le respect des valeurs morales et la discipline.

Amadou Elimane KANE s’inscrit dans une dynamique de rupture et de continuité des actes qui ont été posés par ses aînés ; d’où le titre de l’ouvrage et du nom Samba Diallo qui, dans L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou KANE, était confronté au choc culturel. Au XXIème siècle, les problèmes des Africains entre autres ce sont la formation, l’emploi, l’immigration, la corruption, le népotisme, l’accaparement.

Ndèye Codou Fall

L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, Amadou Elimane KANE, récit, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2013

 

 

La combativité et la détermination pour la justice

Dans la démarche Ubuntu, nous soutenons tous les combats pour la justice, la solidarité et la fraternité.

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De passage à Paris, Amadou Elimane Kane soutient le combat des agriculteurs français contre le capital financier international. 

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Juillet 2015, Amadou Elimane Kane, poète écrivain en résidence à Athènes, Grèce

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Habité par la démarche Ubuntu, Amadou Elimane Kane dénonce toutes les barbaries, par une vision africaine du monde. Ubuntu, signifiant littéralement « je suis parce que tu es », une attitude de dire que chaque entité humaine a besoin des autres pour vivre pleinement. Il existe un lien entre tous les hommes, lorsque la situation de l’un deux s’améliore, chacun y gagne. En revanche, si un homme est victime d’une agression, tous les autres hommes s’en trouvent diminués.

Amadou Elimane Kane, militant panafricaniste, s’inspire de cette attitude Ubuntu pour dire simplement aux uns et aux autres de combattre, là où l’on se trouve, l’injustice quelle que soit sa nature. Le 22 juillet 2015 à Athènes, Amadou Elimane Kane est aux côtés du peuple grec qui dit non à l’oppression économique du capital financier international. Encore partageons cet enseignement Ubuntu. * Oxi en grec signifie non en français et se prononce ochi

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Amadou Elimane Kane, cheminant vers le savoir, à l'université d'Athènes 

Enseigner le dire poétique : Les compétences de l’oralité : Amadou Elimane Kane place le langage au cœur de la pédagogie

Cet article a été publié dans le journal Le Quotidien du 13 juillet 2015, rubrique Culture Aek 072

Enseigner le dire poétique : Les compétences de l’oralité. C’est le dernier ouvrage du poète écrivain Amadou Elimane Kane, paru aux éditions Lettres de Renaissances.

Il y indique : «Dans mon propos, la lecture et l’écriture forment une seule et même chose. Et quand elles sont soutenues par l’oralité, il y a véritablement création pour l’élève qui apprend. L’élève n’est plus le spectateur d’un savoir qui serait en-dehors de lui, il devient l’acteur de son propre apprentissage, de son expression du langage à travers la lecture, l’écriture et l’oralité poétiques.» Pour ce poète, «l’oralité est synonyme d’échange, d’écoute et de compréhension». Et «c’est pour cette raison que la poésie doit se dire, se clamer, se murmurer». Il en donne la preuve dans Enseigner le dire poétique : Les compétences de l’oralité, préfacé par Sophie Fouace, Inspec­trice d’académie. L’ouvrage est en effet le résultat d’un travail pédagogique présenté lors de la demi-journée Les rendez-vous de la lecture qui a eu lieu l’an dernier à l’Ecole supérieure de professorat et de l’éducation de Paris et qui avait réuni des professeurs de Lettres, des professeurs documentalistes et des étudiants de master 2 Métiers de l’enseignement sur la thématique «Lecture et oralité».

Amadou Elimane Kane, qui présentait l’ouvrage à Dakar il y a quelques jours, informe qu’il s’agit du troisième volet d’une trilogie consacrée à la maîtrise de l’oralité. Il y donne quelques repères : définitions et aspects historiques de la poésie, les codes du dire poétique, la poésie engagée, l’oralité, une compétence majeure, entre autres chapitres. A en croire l’auteur de Enseigner la poésie et l’oralité, l’originalité de cet ouvrage réside dans le fait qu’il montre que l’enfant, qu’il soit Blanc, Jaune ou Noir, n’est pas un vase à remplir. Il faut l’installer dans l’émulation. Car «l’oralité réveille ce poète qui sommeille chez l’enfant». Dans cet ouvrage, renseigne-t-il, «je fais émerger l’histoire de la poésie occidentale, comment la langue française s’est imposée et à émerger pour finalement révéler qu’au niveau des langues africaines, il nous faut de la volonté pour y arriver». «Nos langues peuvent véritablement émerger», insiste Amadou Elimane Kane, d’après qui cette publication comme les deux précédentes sont destinées aussi bien aux enseignants qu’aux enseignés avec une proposition méthodologique.

Partages poétiques
Regrettant que l’oralité soit négligée dans l’enseignement occidental, M. Kane, par ailleurs fondateur de l’Institut culturel panafricain et de recherche de Yène, affirme que «l’oralité traverse tous les savoirs» et qu’on a besoin de s’appuyer sur ces savoirs pour faire émerger les choses. C’est ce qu’a compris cet enseignant-chercheur, qui déjà en 2013 avait confronté le dire poétique des élèves des écoles primaires et élémentaires à celui de jeunes collégiens. Ceux de l’école de Yène au Sénégal s’étaient exprimés en écho aux poésies des collégiens de Charles Péguy à Paris. Une démarche qui permit à l’auteur de publier en juin 2013, puis en février 2014, Enseigner la lecture/écriture et l’oralité et Enseigner la poésie et l’oralité. Des ouvrages qui en définitive révèlent l’étonnante maturité et le talent poétique de ces adolescents.

Gilles Arsène TCHEDJI 

 

Amadou Elimane Kane achève sa trilogie littéraire : Une si longue parole en librairie au mois de septembre prochain

Cet article a été publié dans le journal Le quotidien le 2 juillet 2015, rubrique culture.Aek oct 2014

Après L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë et Les soleils de nos libertés, le poète-écrivain, Amadou Elimane Kane, s’apprête à sortir le dernier ouvrage de sa trilogie littéraire. Une si longue parole sera en kiosque le 15 septembre prochain. En attendant, l’enseignant chercheur en science cognitive a accepté de donner un avant-goût de ce que sera cette énième publication qui marque tout son engagement pour le changement de paradigme.

Ecrivain d’exception, Amadou Elimane Kane vient de terminer une trilogie littéraire. Une si longue parole est la dernière de cette suite romanesque composée par ailleurs de : L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë et Les soleils de nos libertés. Dans ce dernier roman dont la sortie officielle est annoncée pour le 15 septembre prochain, l’auteur donne la parole à la femme. Un peu comme l’avait fait son aînée Mariama Bâ dans Une si longue lettre. L’œuvre de Amadou Elimane Kane semble bien être à l’instar de celle de Mariama Bâ, engagée pour les femmes qui se révèlent et lèvent le poids contre les lourdeurs des sociétés machistes. Mais plus que cela, dans cette dernière production, l’auteur de L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë (le premier récit de la trilogie), convoque à travers l’histoire d’une avocate, les enseignements de la princesse Yennenga et ceux de la reine N’Zinga (cette reine angolaise dont la flèche trouve toujours le but et qui prit la tête d’une guerre longue et exténuante contre les envahisseurs portugais. Elle fut ainsi l’une des principales figures de la résistance angolaise à la pénétration portugaise au 17e siècle. Pendant 30 ans, elle fut de toutes les batailles à la tête de ses troupes). 
Amadou Elimane Kane, s’inspire de ces légendes, de ces femmes de bravoure à l’instar des femmes de Nder ou encore de la reine Ndatté, la dernière souveraine du Walo, qui fut «un chef d’Etat, une résistante, une nationaliste, une mère et une éducatrice», qu’il propose comme un modè­le à la jeune génération. Lui qui, dans Les Soleils de nos libertés (le second récit de la trilogie), pose la problématique de l’espérance, vient une fois encore prouver tout son engagement à la cause panafricaniste en convoquant les mémoires africaines. Et, sans en être l’objectif fondamental, ce chef-d’œuvre, Une si longue parole, prend en compte une dimension mémorielle, et étale avec élégance toute la richesse du passé de ce continent. Mieux, Amadou Elimane Kane s’appuie sur Thierno Souleymane Baal, à l’origine de la révolution tooroodo, pour livrer aux lecteurs un récit qui, au-delà de son aspect prosaïque, constitue un véritable «plaidoyer».

Un auteur engagé
«En terminant cette trilogie, je peux dire aujourd’hui, que j’ai terminé une œuvre», s’est réjoui l’auteur que nous avons rencontré hier, et qui, au détour d’une longue conversation, réaffirme sa volonté en tant qu’écrivain, de toujours porter, mais surtout de partager des «valeurs d’engagement, d’ouverture, de travail, de justice …, et de savoir». La seule difficulté en commettant cette œuvre, mentionne-t-il, «c’est que cela m’a été difficile au niveau écriture d’être dans la peau de la femme». L’auteur confie également qu’après la publication de ses œuvres antérieures, Le palmier Blessé, Le songe des flamboyants de la renaissance… ou encore Les Rayons de la calebasse, il a «voulu changer de figure, la façon d’écrire, la manière de dire les choses, pour mieux exprimer mon engagement». Amadou Elimane Kane, qui dit être convaincu que «la terre africaine est le fruit du travail des hommes, de leurs enfants et des enfants de leurs enfants», marque une fois de plus de façon remarquable mais surtout ingénieuse, la littérature française d’inspiration africaine.

Gilles Arsène TCHEDJI

Conférence pour le Manifeste de la construction des États-Unis d'Afrique

11418234 1590860297829224 1382727398 nLe 13 Juin 2015, le Département Jeunesse et Numérique de l'Institut Culturel Panafricain de Recherche de Yene organisait une conférence portant sur le manifeste pour la construction des États-Unis d'Afrique, rédigé par Amadou Elimane Kane, Elimane Haby Kane, Ndongo Samba Sylla, Fatimata Diallo Ba et Mamadou Dramé. Les éditeurs du manifeste, soutenus par Hulo Guillabert, panéliste de la conférence, par le professeur Seydou Ndao de Chicago University et par Gainde Ndiaye Professeur à ISM, sans oublier la participation de LEGS-Africa, ont expliqué les grands enjeux de la construction des États-Unis d'Afrique. 

Les participants étaient nombreux, des étudiants de l'UGB composés d'Haïtiens et de Sénégalais, des étudiants de l'Université Cheikh Anta Diop, la troupe théâtrale de l'ICPR et toute la population de Yene et ses environs avaient fait le déplacement pour assister à cette journée de partage, de solidarité et de formation. Ngongo Samba Sylla, Gainde Ndiaye, Hulo Guillabert, Seydou Ndao, Elimane Haby Kane, Amadou Elimane Kane et Iba Sarr, directeur de l’école de Yene, sont arrivés en fin de matinée après un chaleureux accueil qui leur a été réservé.  Le débat a été ouvert sur plusieurs sujets, notamment sur celui de l'éducation. Quelles sont les compétences des enseignants à développer et quelle éducation nous pouvons donner aux générations futures, quelle formation donner aux jeunes pour répondre aux besoins contemporains ? Ce débat très productif entamait cette belle journée consacré aux savoirs. 11391485 10206841167006417 8804570571122767976 n

 

En début d’après-midi, les étudiants de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ceux de l'Association Architect du Bien avec leurs coordonnateur Aliou Kane et les étudiants de l'Université Gaston Berger de Saint-Louis sont arrivés sur les lieux. Abraham Niassy, Directeur du Département jeunesse et Numérique de l'ICPR a accueilli le groupe d’étudiants. Puis le Professeur Amadou Elimane Kane, fondateur de l'ICPR, est revenu sur l'histoire d’Haïti, de l'importance de ces retrouvailles avec l'autre moitié de l'Afrique. Les étudiant Haïtiens de l'UGB se sont présentés et leur président, Jenson Mahotière, a remercié l'accueil réservé, tout en saluant cette belle initiative de rassemblement de la jeunesse africaine et de la diaspora.

Après le déjeuner, la conférence a débuté. La troupe Théâtrale de l'école du centre Culturel a présenté une pièce théâtrale portant sur le Panafricanisme : Le procès de l'Afrique. Un thème important et en phase avec le manifeste pour la construction des États-Unis d'Afrique. Après cette représentation théâtrale, les jeunes, portés par Katy Ndélla Ngalandou Diouf, ont été chaleureusement applaudis par toute l’assemblée, en recevant tous les encouragements des uns et des autres, notamment ceux du fondateur de l'ICPR, Amadou Elimane Kane, du chef de Village de Yene Todd et celui de l'ex-ambassadeur du Sénégal Monsieur Mbaye qui a terminé par réciter un poème intitulé "Soupire". 20150613 151329

Ensuite le professeur d'histoire à Chicago Universty, Seydou Ndao est revenu très largement sur l'essence du panafricanisme, l'importance de la tradition et a donné des pistes importantes à la jeunesse pour leur permettre de mieux découvrir leur mission et l'accomplir. Comme disait Frantz Fanon "Chaque génération doit dans une opacité relative découvrir sa mission l'accomplir ou la trahir". Seydou Ndao a proposé de participer à la formation de cette jeune génération et a félicité le fondateur de l'ICPR pour son œuvre, pour sa vision et les valeurs qu'il habite.

Puis l'intervention de la poétesse Coumba Touré qui a dit un très beau poème. Le poète Alioune Badara Sene a aussi encouragé cette jeune génération à aller vers les lumières panafricaines en s'inscrivant dans le travail et en allant vers le savoir direct, comme le préconisait Cheikh Anta Diop. Après ces interventions, la parole a été donnée à Abraham Niassy, Directeur du Département Jeunesse et Numérique qui a remercié tous ceux qui ont fait le déplacement pour venir apporter leur pierre à la construction des États Unis d'Afrique. Il a  remercié tous les membres du département qui n'ont ménagé aucun effort pour la réussite de cet évènement, en accordant une mention spéciale à l'équipe qui gère l'Institut, en l'occurrence Siaka, Becaye, et Oulimata qui ont, sans relâche, contribué fortement au succès de cette journée. Puis il est revenu sur la prise de conscience de la jeunesse et le besoin de la formation dans plusieurs domaines de production de savoir et de sens et a incité la jeunesse à porter ce manifeste et à inscrire cette journée dans la continuité. 20150613 142657

Le Dr Ndongo Samba Sylla a commencé par saluer cette initiative du département jeunesse de l'ICPR. Il a également encouragé les jeunes de la troupe théâtrale en suggérant de mettre sous forme de texte la pièce théâtrale, dans le but de partager et d'éveiller les consciences.

Hullo Guillabert a incité la jeunesse africaine et la diaspora à épouser l'esprit UBUNTU qui veut dire "Je suis parce que nous sommes", ces valeurs humanistes de fraternité et de solidarité. Elle a lancé un appel à toute la jeune génération africaine de s'indigner et de porter le flambeau haut pour une union définitive du continent africain. 

Elimane Haby Kane, président de LEGS-Africa, est revenu largement sur l'historique de la rédaction du manifeste qui a été écrit en quatre semaines. Il est revenu sur la mission de la jeunesse et il a appelé au rassemblement de la jeunesse africaine et de ses diasporas. Il a incité la jeunesse à prendre en main son destin et à s'armer de savoirs pour relever le défi du début de ce millénaire. Il a demandé à la jeunesse africaine de s'unir car seulement dans l'union, elle trouvera le salut et accomplira sa mission, "We are One"13juin2105

Le Professeur Gaindé Ndiaye a incité la jeunesse à aller vers la connaissance de soi, la confiance en soi et l'estime en soi. Il a suggéré que la jeune génération se lève et s'indigne face à tous les cambrioleurs de notre conscience historique. Il a lancé un cri d’alarme à tous les jeunes présents à la séance, en encourageant cette jeunesse à rallier les lumières panafricaines et à mettre à terre tous les fossoyeurs de notre conscience historique.

Puis les étudiants de l'UGB et les étudiants de l'UCAD sont intervenus, Aliou Kane, Mously Fall, et Jenson Mahotière, pour remercier les ainés de cet échange et de cette prise de conscience partagée  avec eux. Cette journée leur a donné la possibilité dans faire autant comme disait Nelson Mandela " En faisant scintiller notre lumière nous offrons la possibilité aux autres d'en faire autant".

Mme Coumba Touré a donné plusieurs pistes concrètes comme :

  1. La mise en place d'une carte d'identité Africaine.
  2. La visite dans d'autres pays africains

La journée s’est achevée par un message de remerciement et d'encouragement de Amadou Elimane Kane à la jeunesse et à tous les participants et intervenants de cette manifestation, à LEGS-Africa, aux étudiants de l'université Gaston Berger et aux étudiant de l'université Cheikh Anta Diop et à tous les jeunes de Yene, aux habitants de Yene. Amadou Elimane Kane a encore incité la jeunesse à inscrire cette journée dans la continuité tout en portant ces valeurs que sont la justice, le travail, l'excellence, dans un esprit de solidarité, de générosité et de fraternité

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Abraham Niassy, Directeur du Département Jeunesse et Numérique.

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COMPTE RENDU DE LA VISITE EFFECTUÉE PAR LE CLUB SCIENCE POLITIQUE DE L’UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS À L’INSTITUT CULTUREL PANAFRICAIN ET DE RECHERCHE (ICPR) DE YENE

Plaçant la question panafricaine au cœur de ses centres d’intérêt depuis deux ans maintenant, le Club Science Politique de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis a, après avoir débuté ses activités de l’année 2015 par sa rentrée solennelle, effectué une visite à l’Institut Culturel Panafricain et de Recherche de Yene le Dimanche 22 Mars 2015. Cette visite a été rendue possible après que l’idée ait été proposée par la chef de la commission des finances, Aissatou Kane, nièce du professeur Amadou Elimane Kane, fondateur et directeur de l’ICPR. Nous avons quitté l’enceinte de l’université aux environs de 6h30 du matin avec notre marraine du Club depuis deux ans, Mme Sokhna Mariama Cissé, assistante en relations internationales. 20150322 164815

Arrivés sur les lieux après cinq heures de voyage, nous avons été chaleureusement accueillis par le professeur Amadou Elimane Kane qui nous a présenté à l’équipe qui était sur les lieux. Cette équipe est composée de jeunes attachés aux valeurs culturelles et traditionnelles de leur continent et soucieux du devenir de l’Afrique. Dès notre arrivée à l’institut, nous avons été charmés par la beauté et l’originalité de l’espace ; aussi notre enthousiasme était grand quand le professeur nous a invités à faire la visite des lieux, oh combien chargés d’histoire. L’institut Culturel Panafricain et de recherche de Yene est abrité par trois grands bâtiments d’une architecture classique splendide reflétant un mélange de cultures variées.

Le premier est inspiré de l’œuvre architecturale de l’empire Wagadou, c’est-à-dire l’empire du Ghana. Ce genre de construction pouvait aussi être retrouvé en Allemagne, nous a précisé le professeur. Un autre nous évoquait Tombouctou avec ses beaux marbres et son dôme sous forme de case. Cette œuvre architecturale ne pouvait nous laisser de marbre. Elle a le mérite de nous rappeler l’Afrique de nos ancêtres, cette Afrique que nous ignorons et qui a enrichi le monde de ses merveilles longtemps chantées par les houris arabes. L’ensemble est sublimé par la beauté du paysage qui donne libre court à l’inspiration et à la méditation. L’institut surplombe un lac, où vient se désaltérer une horde d’oiseaux, le tout agrémenté par la verdure du paysage. 

20150322 155128La visite terminée, nous avons été introduits dans la grande salle faisant office de bibliothèque (j’ai personnellement été captivée par toutes ces merveilles, à tel point que j’ai tout de suite pensé si seulement je pouvais ne plus partir. Jamais mon appétit littéraire n’a été aussi vif !). C’est dans cet espace que nous avons commencé notre première discussion avec le professeur Amadou Elimane Kane, qui, après avoir salué l’initiative et encouragé l’équipe nous a entretenus sur l’obligation pour nous Africains de revaloriser nos cultures et de renouer avec elles, d’aller à la quête permanente du savoir. 20150322 161124

Au cours de la discussion, il a beaucoup insisté sur la nécessité pour nous les jeunes de prendre conscience du lourd fardeau qui pèse sur nos épaules : celui de faire émerger l’Afrique. Cela ne peut se faire que si l’on prend conscience que l’on ne peut nous développer qu’en restaurant notre culture et ce à travers, par exemple, la revalorisation de nos langues africaines.

La discussion a également tourné autour des enjeux et des défis de l’unité africaine. À ce propos l’accent a été mis sur l’importance pour la jeunesse d’être consciente de son histoire pour mieux préparer l’avenir.

Ainsi Amadou Elimane Kane nous exhorte, nous représentants de la jeunesse, à retourner à notre culture, à réécrire notre histoire, voire même à réécrire notre raison d’être. Il nous exhorte, nous jeunes, à oser entreprendre car la racine du mal africain est l’ignorance de notre richesse culturelle et l’absence d’entreprenariat. Il nous exhorte à être ceux qui vont être devant pour tendre la main à la masse qui demeure encore indécise et incertaine de ce qu’elle veut vraiment atteindre. Il nous exhorte à prendre les rênes et à affronter les obstacles car l’inaction conduit à la peur de l’action. L’inaction, la peur, le manque de confiance, le pessimisme donnent congé à la capacité d’agir. Et il reste le moment crucial où l’action est une obligation et où se joue désormais notre ultime espoir d’un avenir meilleur et prometteur.

C’est sur ces dernières recommandations que nous avons pris congé, non sans regret, de notre vénéré professeur Amadou Elimane Kane et des jeunes de l’institut avec qui nous avons beaucoup appris au cours de cette journée. Car comme l’a dit le président du club « une minute de silence de monsieur Kane est un ensemble de connaissances perdues pour les jeunes que nous sommes ». Tout simplement pour dire qu’il est de ceux–là que devons impérativement approcher pour bénéficier de son savoir. Il est bien dit en ouolof que « mag dina nék ci souf di guis lo xamné gooné nguiné nongue ci kaw garap té guissouco ». Amadou Elimane Kane est de ces hommes de par sa sagesse, son humilité et son sens élevé de la responsabilité. 20150322 164938

Mously FALL, étudiante de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis

Les compétences majeures de l'oralité avec Amadou Elimane Kane - ESPE de Paris le 1er décembre 2014

Ce rendez-vous de la lecture exceptionnel, a été l'occasion pour tous d’échanger avec le poète Amadou Elimane Kane enseignant chercheur, qui travaille de puis plusieurs années au sein des écoles, des collèges et des lycées plus particulièrement de la région parisienne en France mais aussi à travers le monde du thème de la lecture et de l'oralité.
"La poésie comme levier d’apprentissage demeure un outil extraordinaire pour explorer plusieurs champs avec les jeunes. L’axe de travail qu'il a conçu est d’articuler la lecture, l’écriture et l’oralité à partir du genre poétique. Cette articulation permet de développer la maîtrise de la langue dans tout son système, de permettre une ouverture artistique et culturelle, d’explorer l’histoire littéraire et l’histoire des civilisations et de renforcer, chez l’apprenant, la connaissance de soi, l’estime de soi et la confiance en soi. […]"

 

 
Ce thème porteur a également permis de découvrir dans le cadre de la liaison inter-degré Cm2-6ème, le projet du collège Charles Péguy dirigé par Amadou Elimane Kane et coordonné par Isabelle CHEMIN, professeur documentaliste : La Passerelle poétique ou la continuité des apprentissages à travers la lecture et l’oralité. 

 

Enseigner la lecture, l'écriture et l'oralité en poésie par Amadou Elimane Kane

Dans le cadre d'un projet artistique, culturel et pédagogique autour de l'articulation lire, dire et écrire de la poésie avec le collège Charles Péguy de Paris.

Retrouvez ici Amadou Elimane Kane lors de la Journée académique de la documentation à la Bibliothèque Nationale de France le 3 avril 2014  

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De la lecture au dire poétique avec Amadou Elimane Kane

Retrouvez ici Amadou Elimane Kane lors d'un projet de lecture, écriture et oralité en poésie avec des élèves d'une classe de 3ème du collège Charles Péguy à Paris 

 

Tantine, émission TV du 19 janvier 2015 avec Amadou Elimane Kane

 

Retrouvez Tantine, l'émission de Télésud du 19 janvier 2015 avec pour invité spécial Amadou Elimane Kane

Cheikh Anta Diop, le plus grand savant du 20ème siècle

Ecoutez le document audio publié par RFI : Portrait de Cheikh Anta Diop, "le plus grand savant du 20ème siècle"

 

Amadou Elimane Kane, écrivain poète : enseigner les langues nationales est d'une importance fondatrice

Reportage publié dans le journal Le Quotidien du 16 octobre 2014, rubrique Entretien avec... Amadou elimane 0534

Amadou Elimane Kane, poète écrivain, est l’auteur de plusieurs ouvrages poétiques et de deux romans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë et Les Soleils de nos libertés, publiés aux éditions Lettres de Renaissances. Acteur de la Francophonie, il a volontiers accepté de se confier sur l’importance du français, son regard sur les langues nationales et sur les écritures francophones de manière générale. Sans langue de bois

Dites-nous quelle est votre langue maternelle ?
Ma langue maternelle est le puular, ou plutôt devrais-je dire mes langues maternelles sont le puular et le wolof. Le français est pour moi une langue étrangère que j’ai apprise à l’âge de six ans au moment de la scolarisation et tout au long de mon cursus scolaire et universitaire. 
Quelle relation entretenez-vous avec le français ? Amour ? Efficacité ? Nécessité ? Obligation ?
Je la pratique telle une langue étrangère. Elle est la langue de mon expression poétique mais je n’écris jamais directement en français. Je compose ma poésie en pensant d’abord dans ma langue. Je fais ensuite un travail esthétique pour traduire mes textes en français. 
Avez-vous écrit ou envisagez-vous d’écrire dans une autre langue ? Pourquoi ?
Oui bien sûr. Je suis de ceux qui pensent que nous devons impérativement nous exprimer dans nos langues maternelles, c’est un acte de créativité. Je pense qu’un homme ne peut donner sa mesure que dans la mesure où il y a une réelle appropriation de ce qu’il est et de ce qu’il a. Je pense que nous avons bien besoin de notre langue maternelle pour mieux faire ressortir les subtilités de notre culture, de notre système de pensée et les profondeurs de notre cosmogonie. 
Doit-on parler d’une diversité d’écritures francophones d’Afrique ?
Je pense que pour que nous puissions former une ronde arc-en-ciel, une belle ronde, il faut que chacun exprime son regard, une certaine diversité. C’est à partir de ce moment que les uns et les autres pourront communier dans la plus grande tranquillité et dans une dimension de créativité. 
Selon vous, qu’apportent les écritures francophones à la langue française ?
Les écritures francophones apportent énormément à la langue française, à tous les niveaux. Car une langue, quelle qu’elle soit, a besoin d’allers retours et les francophones apportent un regard différent teinté d’une belle créativité… 
L’avenir est-il au «métissage littéraire ?»
Un écrivain est avant tout un créateur. Quelque que soit la langue qu’il utilise, il doit veiller à un certain esthétisme. En ce qui me concerne, je m’attache autant aux dimensions esthétiques que thématiques. Je travaille autour des signes et des symboles dans ma démarche poétique. Pour mon premier recueil «Les rayons de la calebasse», j’ai tout un regard sur la calebasse car je suis un africain ayant grandi dans un univers peul et wolof. Ce récipient symbolise la générosité où les uns et les autres se retrouvent. Il symbolise également l’accueil, l’hospitalité. Vous voyez l’appropriation qui est faite. Le baobab symbolise l’éternité, le sacré ou le passé.  Je dirai qu’il y a un va-et-vient entre les langues, les cultures et c’est cela qui est beau.  
Dans quel courant d’écriture africaine vous situez-vous ? Enraciné dans un héritage et une identité essentiellement africains, porteur d’un devoir de mémoire ou davantage témoin de votre époque, du pays où vous vivez – hic et nunc…
Je dirai un peu tout cela à la fois mais il n’y a pas lieu d’utiliser un discours feutré, je suis foncièrement panafricaniste. J’essaie en tout temps et en tout lieu de me nourrir de ce regard. Je suis complètement afro-optimiste dans la mesure où je suis de ceux qui pensent que, finalement, un écrivain africain doit œuvrer pour la Renaissance africaine en questionnant, jusque dans les détails, l’héritage historique du continent et les croyances cosmogoniques, leur signification, leur origine. L’écrivain doit s’approprier les traditions profondes et les riches formes africaines du récit. Une pensée artistique doit s’inscrire, non seulement dans une réalité matérielle, dans sa perspective historique, mais elle doit être une réflexion sur les projets cosmiques et le rôle de l’humanité. En ce sens, elle doit essayer de briser tous les murs entre le passé et le présent. 
Quel est le rôle de l’écrivain africain ou d’origine africaine aujourd’hui ?
Une des missions de notre génération doit s’inscrire dans la mouvance de la Renaissance africaine pour pouvoir faire face aux défis mondiaux. Il en est de même sur le plan littéraire. Nous avons besoin de structures continentales de recherches.  Le regard que j’ai me paraît paradoxal sur les questions brûlantes qui interpellent aujourd’hui l’Afrique et les africains. C’est un choix. Je me refuse de me situer dans cette dynamique de l’afro-pessimisme où l’on est là à caricaturer, à verser dans la négation. Je suis dans la mouvance de l’afro-optimisme. C’est vrai qu’il y a assez de difficultés mais il y a une belle créativité africaine qu’il faudrait saisir. L’Afrique est un jeune continent.  Je pense, comme Boubou Hama, qu’il faut que chaque génération apporte son anneau. Aujourd’hui, c’est à nous d’apporter notre anneau, notre regard. Il y a eu des actes qui ont été posés par un certain nombre de générations. Maintenant, c’est à nous de poser des actes. C’est un choix et c’est un appel. 
Quels sont les avantages ou inconvénients d’écrire hors d’Afrique ? En Afrique ? Vous considérez-vous comme un écrivain de l’exil ? 
Je suis un écrivain qui fait partie des victimes des frontières artificielles qui ont été tracées en 1885 à Berlin, elles ne correspondent pas à nos réalités historiques, sociologiques. Ces frontières font de moi un exilé car je ne m’identifie pas à ce découpage. Je suis un homme, comme tant d’autres, arraché à son histoire. Je pose souvent ces questions dans mon travail poétique. Vivre en Europe depuis plus de deux décennies me permet aussi de porter un regard singulier sur l’Afrique, sur le monde en général, j’en suis conscient. Très attaché à mon patrimoine culturel et linguistique, je suis aussi très séduit par une identité plurielle que je peux trouver de par le monde. Je reste cependant très engagé au sein de la diaspora africaine en France. Il me semble que nous pouvons faire avancer et apporter une contribution certaine pour nos pays qui ont besoin de nos réflexions et de notre engagement pour accompagner la réussite de l’Unité africaine. 
En tant qu’acteur de la Francophonie, que répondez-vous à ceux qui voient dans l’usage de la langue française un reliquat de colonialisme ?
Tout dépend de ce que l’on écrit, il ne s’agit pas seulement de l’emploi de la langue française. Certains écrivains africains reprennent les thèmes qui ont été développés par les ethnologues européocentristes. Tous ces écrivains qui, de manière générale, développent l’afro-pessimisme. Des livres qui, par exemple, s’intitulent : «L’Afrique est mal partie», «Et si l’Afrique refusait le développement ?», «Négrologie». Nous savons que tous ces titres ne tombent pas du ciel. Ils ont été décidés par les colons où l’on refuse aux Africains la créativité. Chacun sait que c’est encore pour asseoir la domination du monde occidental. Aujourd’hui, certains écrivains continuent à travailler dans ce sens. C’est pour cela que je pense que certaines maisons d’édition européennes, et en particulier françaises, véhiculent l’aliénation et tuent la créativité en Afrique noire.  
Quels rapports entretenez-vous avec les maisons d’édition européennes et africaines ?
Il y a quatre ans, je disais que certaines maisons d’édition françaises véhiculaient l’aliénation et tuaient la créativité en Afrique. Elles publient des textes qui répandent des images, tout un système de représentations qui cadre avec les intérêts de la France dominatrice. Lorsqu’un écrivain va à l’encontre des intérêts de la France, c’est certain que même s’il utilise toute une dimension esthétique, toute une beauté littéraire, ses textes ne seront pas publiés. Il ne faut pas se voiler la face, certains livres publiés en France par des auteurs africains n’intéressent pas l’Afrique. D’où l’appel que j’avait fait à l’époque pour la création d’une maison d’édition africaine. Celle-ci va contribuer à la Renaissance africaine et va permettre aux écrivains du continent d’assumer pleinement leur imaginaire, c’est-à-dire ce qu’ils sont et ce qu’ils ont. Pour preuve, «Présence africaine» a porté toute la mouvance de la négritude ! L’édition est un acte de souveraineté. Elle permet aux uns et aux autres d’avoir leur indépendance, leur autonomie. 
Avec les médias ou avec la critique littéraire ?
Je m’exprime toujours avec force et sincérité sur des questions qui nous interpellent. Je n’utilise pas la langue de bois et il peut arriver que cela déplaise. Je m’occupe peu de la critique littéraire, je préfère m’attacher à créer et à vivre en poésie. Cela ne m’empêche pas d’apprécier le travail des journalistes compétents et d’échanger avec eux sur la littérature et sur les sujets qui me préoccupent.

Entretien réalisé par Gilles Arsène TCHEDJI

Tchicaya U’Tamsi ou la petite feuille qui parle pour son pays par Hamidou Dia

Ce texte a été prononcé lors d'une conférence à Assilah au Maroc Hamidou dia
 
Excellence, Monsieur le ministre Mohamed Benaïssa, maire d’Assila,
Monsieur Alioune Badara Beye président du jury « Tchicaya U’Tamsi » et de l’Association des Ecrivains du Sénégal,
Madame, messieurs les membres du Jury,
Cher Lauréat du prix Tchicaya U’Tamsi 2014,
Mesdames, messieurs,
Je voudrais d’abord dire mon plaisir renouvelé d’être de nouveau parmi vous, ici, à Assilah, cette belle perle du Maroc qui est un émerveillement, un ravissement enchanté du cœur et des yeux ! Avec ses jardins, ses rues piétonnes, ses parcs et ses remparts ; ses habitants si chaleureux et ses jeunes filles en fleur. Je voudrais en féliciter son premier magistrat, Mohamed Benaïssa.
Excellence, il y a 23 ans vous instituiez le prix Tchicaya U’Tamsi, votre ami et le seul ministre africain de la Culture à avoir assisté à ses funérailles, confortant ainsi les liens historiques multipliés par la géographie entre l’Afrique au Nord et au Sud du Sahara. En ce sens, Monsieur le maire, vous êtes bien un homme d’ensemencement, d’ouverture et d’initiatives.
Monsieur le ministre, Monsieur le président du jury, Madame, messieurs les membres du jury, Cher Lauréat, Mesdames, messieurs,
Il me revient l’honneur redoutable de vous entretenir de Tchicaya U’Tamsi ou la petite feuille qui parle pour son peuple. De son vrai nom Gérald-Félix Tchicaya, U’Tamsi naît à Mpili le 25 aout 1931, au Congo Brazzaville  qu’il quitte très tôt – à 15 ans – pour rejoindre son père Jean-Félix Tchicaya,  député de son pays de 1944 à 1958 au palais Bourbon.
C’est en 1957 que le jeune Tchicaya prendra le pseudonyme de U’Tamsi (celui qui parle pour son peuple) imité en cela quelques années plus tard par son cadet d’illustre mémoire, Marcel Sony qui deviendra Sony Labou Tansi.
Journaliste, il met sa plume au service de Patrice Emery Lumumba, héros africain de l’indépendance congolaise. Le lâche assassinat de ce dernier l’aura meurtri et traumatisé. La figure de Lumumba est omniprésente dans son œuvre qu’elle sature, notamment dans Epitomé qui est probablement son plus beau recueil poétique. Il revient en France et entre à l’Unesco où il demeurera jusqu’à sa retraite anticipée en 1986 pour s’occuper d’écriture,  sa seule vraie et grande passion.
Il meurt brutalement le 22 avril 1988 à Bazancourt, dans l’Oise, en France. Alors qu’il s’apprêtait à aller fêter à Lagos, Whole Soyinka, premier africain prix Nobel de littérature et laissant derrière lui une œuvre considérable et de qualité.
De cette œuvre, le professeur Joubert de l’université Paris XIII-Villetaneuse, a dit ceci, je le cite : « « Lyrisme, ironie (et d'abord envers soi-même), ellipses, ruptures des tons et des images, éclats baroques des brisures et des collages : ce seront les traits caractéristiques de tous les recueils, dont les titres, à chaque fois, refléteront l'inspiration : Feu de brousse (1957) ou la violence purificatrice ; À triche-cœur (1958) ; réponse au « comment vivre » des débuts ; Épitomé (1962), abrégé de la « passion » de Patrice Lumumba, martyr des indépendances africaines. Le Ventre (1964) se veut recherche des origines, tandis qu'Arc musical (1970) explore tous les pouvoirs de la poésie. La Veste d'intérieur (1977) montre une thématique plus intimiste. Cette poésie, qui ne s'aveugle d'aucun mot d'ordre, et pas même de ceux de la négritude, affirme sa souveraineté (« Ma poésie est une politique »). Elle retrace l'itinéraire d'une conscience révoltée en quête ». Fin de citation.
Je voudrais, d'emblée donner  la parole à Tchicaya: “il y a trente ans je publiais un recueil “Feu de brousse, dans lequel un poème s'intitule “Natte à tisser”. Dans ce texte, répondant à la fameuse assertion de Sartre “le nègre, on lui jette l'injure à la figure, il s'en saisit, il s'empare” j'ai eu une réaction et j'ai écrit:
sale tête de nègre...

voici ma tête congolaise...
 
C’est l’échelle la plus saine...c'est une sorte de vanité, de revendication d-être Congolais... je suis en situation de vouloir conquérir et détruire un certain nombre de citadelles qui me sont interdites et ou je voudrais habiter »
Poète de la deuxième génération de la Négritude, avec René Depestre, David Diop et Jean-François  Brierre pour ne citer que les plus illustres, Tchicaya est le poète de l’arbre et du fleuve ; du large et de l’ailleurs. En effet, celui dont Senghor a dit qu’il était l’un des meilleurs de sa génération, a toujours eu avec la négritude des relations très discrètes, pour ne pas dire distantes. Soupçonnant la négritude de généralisation abusive, il préfère se limiter au simple constat de sa négritude « historique » et affirmer plutôt sa « «congolité» ». Mais le Congo des deux rives, le Congo fleuve qui, comme tous les fleuves, se jette à la mer. Bref, il préfère la métaphore à l’hyperbole. Quand Tchicaya dit qu’il est Congolais et qu’il faut lui laisser la paix de l’être ; qu’il a conquis le droit d’être reçu sur les deux rives du Congo (Congo-Kinshasa et Congo-Brazzaville), il précise de quel Congo il s’agit et de quelle image il en a, je le cite de nouveau : « L’image la plus sûre que je puisse donner du Congo, c’est le fleuve. De toute façon, toute civilisation se fait autour du fleuve et ce fleuve charrie plus de ce pays qu’il traverse que toutes les archives. Le Congo se jette à la mer ; tous les fleuves qui sont témoins de l'histoire se jettent à la mer, les eaux du Niger, du Nil, du Danube, de la Seine ou du Mississipi. Tout cela est fondu. C'est la mer avec tous ses trésors insoupçonnables, tous ses trésors encore inexplorés. Si on faisait cette fusion de l'histoire, à l'instar des fleuves qui se jettent à la mer, pour se régénérer en fin de compte, même pour s'y perdre en fin de compte, si on fait cette fusion, alors on a des trésors insoupçonnables et nous irions de l'avant pour les connaître. Tant disque là, lorsque les fleuves passent, nous restons en-deçà et nous créons des barrières. C'est l'histoire qui crée des barrières, qui légitime les barrières ».
Ces propos, il les a tenus, en ma présence et en celle du professeur Mateso ici présent, lors d’une table ronde animée par Jacques Chevrier organisée par le Clef Et Garran en décembre 1986 à Paris.
L’eau. La terre. Fleurir comme l’arbre, être la mémoire du monde comme le fleuve, retrouver sa généalogie improbable, conjurer une identité offusquée, saccagée et meurtrie ;  savoir de quel arbre descendre : telle est la constante aspiration du poète. Du symbolisme de l’arbre et du fleuve dans l’œuvre de Tchicaya, la critique a tout dit. Aussi je ne me livrerai pas à une exégèse de ses textes ; je souhaiterai simplement rappeler deux idées-forces de Tchicaya qui subsument l’œuvre et la pensée de l’œuvre.
 Le refus du ghetto
Tchicaya aime le Congo. Le Congo est au centre de sa poésie. Fasciné par la figure emblématique de Lumumba, la tragédie congolaise est au centre de son univers poétique. Le Congo, dit- il dans Epitomé, est « au sommaire de sa passion » :
« Au sommaire de ma passion me dévêtir ...

O ma généalogie improbable !

De quel arbre descendre ? Quelles fleurs de cet arbre

fanait- il avant le glas ?
Qui sonna le glas ?

Un glas comme une fleur d’orpheline dans la nuit » !
 Pour Tchicaya toute littérature advient dans un horizon culturel déterminé, qu’elle excède d’ailleurs toujours. S’enracinant dans la culture de son auteur, puisque nul ne peut sauter par dessus son ombre, tout texte, en principe, en porte la marque, mais il serait abusif pour cette seule raison, d’emprisonner la littérature et le créateur dans une nation ou dans une race même pour les meilleures raisons du monde. Car si chaque créateur parle à partir d’un promontoire, c’est précisément parce que ce promontoire lui permet de jeter un regard sur l’horizon; si c’était pour fixer sa propre ombre, il n’aurait pas besoin de promontoire. Ce que propose  Tchicaya, c’est  la nécessité pour le créateur d’avoir un point de repère, de parler à partir d’un promontoire et il dénonce  toute forme de réduction « ellipsoïdale », de ghettoïsation ; ghettoïsation qui se fonde sur la dénégation des appartenances ethniques, de la communauté de destin et de souffrance des groupes situés de part et d’autre des frontières ; qui occulte et  nie la continuité historique entre des écrivains de générations différentes.
Tant qu’à faire Tchicaya, sachant que la création littéraire n’est pas une simple aventure ludique, préfère la dilution dans l’Afrique (qui élargit sa respiration) que la réduction à sa contingence de Congolais qui risquerait  de le plonger dans une apnée prolongée. C’est pourquoi sa «congolité» une fois affirmée le poète s’insurge, lors de cette table ronde, en précisant, je le cite : « J’ai dit que j’étais l’Ethnie, la nationalité, que j’étais africain. Mais je suis entrain d’abandonner un certain nombre de ces choses-là, pour être plus présent à l’avenir, plus présent au désir de tisser cette fameuse natte dont je parlais il y a trente ans. Je proviens d’une Ethnie, j’ai une nationalité, je suis africain, j’écris. Finalement il n’y a pas «écriture ethnique, ou nationale, ou africaine, il y a écriture simplement. Je suis en rupture avec l’Ethnie». Dans cette situation de rupture, j’ai une quête. Elle se transmet dans l’écriture. [...]. Il n’y a pas une écriture donnée, qui serait ethnique, nationale, africaine. Il y a une sorte de globalité dans la démarche, je suis écrivain et bien sûr, dans la mesure où je le suis totalement, toutes les composantes de ma personnalité se retrouvent dans mon écriture » Néanmoins dans  l’expression « poète africain » Tchicaya considère le substantif plus important que l’adjectif.
  1. La revendication de la fraternité humaine
S’adressant à d’autres lieux, le poète parle toujours à partir d’un lieu, ici le Congo, des deux rives, précise-t-il toujours ; et, au-delà, tous les nègres que lie une communauté de destin et de souffrance qu’il nomme son peuple :
« Je bois à ta gloire mon Dieu

Toi qui m’as fait si triste

Tu m’as donné un peuple qui n’est pas bouilleur de cru

Quel vin boirai-je à ton jubilate

En cette terre qui n’est terre à vigne

En ce désert tous les buissons sont cactus

Prendrai-je leurs fleurs de l’an

Pour les flammes du buisson ardent de ton désir
Dis-moi en quelle Egypte mon peuple a ses fers aux pieds
 ».
De ce lieu défini sans ambages, il explore des solidarités nouvelles, des fraternités en attentes, des complicités. Fraternités frémissantes, solidarités en gésine, complicités futures que figure la métaphore du fleuve :
Le Congo se jette à la mer; tous les fleuves qui sont témoins de l’histoire se jettent à la mer, les eaux du Niger, du Nil, du Danube, de la Seine ou du Mississippi. Tout cela est fondu. C’est la mer avec tous ses trésors insoupçonnables, tous ses trésors encore inexplorés. « L’essentiel va à la mer, va à quelque chose de beaucoup plus large ».
Comme le philosophe antique, le poète aimerait pouvoir dire : parce que je suis Congolais, rien de ce qui est humain ne m’est étranger. Il refuse d’emprisonner la littérature, singulièrement la poésie, dans son être-là, dans son « être au monde », même pour les meilleures raisons du monde. C’était là déjà un des messages fondamentaux du Cahier d’un retour au pays natal : «Je ne suis d’aucune nationalité prévue par les Chancelleries», s’était écrié Césaire.
Cependant Tchicaya sait que chaque société, singulièrement les sociétés africaines, est confrontée à des problèmes, soumise à des interrogations auxquelles elle est tenue d’apporter des réponses. Ce dont témoignent le choix de son pseudonyme et l’ensemble de son œuvre. Ce qu’il récuse c’est l’enfermement dans un ghetto (par exemple la littérature nationale au sens d’une littérature congolaise conçue à l’intérieur des frontières arbitraires héritées de la colonisation) à travers les barrières duquel les autres le liraient ; d’être en opposition stérile avec les autres en se barricadant derrière l’affirmation intempestive d’une différence orageuse et véhémente; il revendique son statut d’homme pris dans des contingences historiques qu’il n’a pas cherchées, qu’il cherche à élucider, et à travers elles, sa condition d’homme. Je le cite de nouveau : « Si on faisait cette fusion de l’histoire, à l’instar des fleuves qui se jettent à la mer, pour se régénérer en fin de compte, même pour s’y perdre finalement, si on fait cette fusion, alors on aurait des trésors insoupçonnables et nous irions de l’avant pour les connaître »
Tchicaya U’Tamsi est un moment de la littérature africaine, et à ce titre fait partie du patrimoine universel. Il a produit une œuvre considérable, riche et féconde.
Mesdames et messieurs,
Voilà 26 ans déjà que Tchicaya est retourné au Royaume d’Enfance : quelque part entre l’Eden et  les Champs Elysées des poètes ; devisant avec Homère de la puissance de la parole qui transmute le plomb en or ; discutant avec Ovide des métamorphoses du Verbe dans la douleur de l’exil qui féconde tous les matins du monde. Si quelque chose doit rester de son « message » pour les provisoirement  vivants que nous sommes, c’est bien cette revendication de l’unité africaine des peuples, unité solidement adossée à cette « postulation irritée de fraternité » en laquelle Césaire voit notre principale raison de vivre et d’espérer. Il a écrit :
« La liberté congolaise est mon écharde
au cœur comme après Kin le fleuve s'étrangle d'agonie 
Après avoir « catiner son siècleTchicaya qui est mort de la belle mort – épectase – mort qui hante sa poésie et dont il n’a cessé de nous avertir de sa précocité.
“je pourrais dire merde à ma vie
et m'en aller l'âme en écharde
on m'accusera d'avoir trahi
les hirondelles et les puces
mes compagnes par dérision naguère ».
 
Tchicaya est parti en nous laissant pour héritage l'opulence de son souffle et l'amplitude de sa voix. Et Josué Guébo, lauréat du prix Tchicaya U’Tamsi qui nous célébrons aujourd'hui pour son magnifique poème “Songe à Lampedusa” est un gage que l'héritage sera fructifié au soleil sahélien et méditerranéen de nos rêves.
Je vous remercie de votre aimable attention
 
Pr. Hamidou Dia (Ph.D) Docteur ès lettres, professeur hors-classe de philosophie, Diplômé d’Etudes Approfondies en Sociologie, Lauréat du jasmin d’argent de la poésie francophone et Conseiller Spécial pour la Culture du Président de la République du Sénégal
 
 

Lire et faire lire aujourd'hui : enseigner la poésie et l'oralité par Amadou Elimane Kane

Cette démarche témoigne d'une initiative qui s'inscrit dans les missions fondamentales de l'école. Profonde par sa réflexion, détaillée dans ses modalités de mise en oeuvre, illustrée par les paroles des élèves, elle invite à ouvrir largement les vantaux de l'innovation pédagogique, à accorder son attention à chacun des élèves et aux conditions de sa réussite scolaire et personnelle, à travailler en équipe pour la réalisation de cet objectif.
Madame Sophie FOUACE, Inspectrice d'académie-Inspectrice pédagogique régionale établissements et Vie scolaire, Académie de Paris
 
Cette vidéo pédagogique a été réalisée par Marc HOLFELTZ, Direction des Systèmes d'Informations de l'académie de Paris pour la WebTV académique. Pour la visionner, cliquez sur le lien ci-dessous :

Le dire poétique par Amadou Elimane Kane

Amadou Elimane Kane et l'équipe pédagogique du projet ont été invités à présenter leur travail lors de la Journée Académique de la Documentation tenue à la Bibliothèque Nationale de France le 3 avril 2014 sur le thème de Lire et faire lire aujourd'hui en présence des inspecteurs, des professeurs de lettres et des professeurs documentalistes.

 

 

L'ami dont l'aventure n'est pas ambigüe ou une leçon d'humanisme

Ndeye codou fall
Amadou Elimane Kane part de son expérience existentielle pour écrire. Cependant, il la dépasse en recréant dans son imaginaire et en y ajoutant ce qu'il a vu des expériences des autres. De cette somme de vie sort L'ami dont l'aventure n'est pas ambiguë, récit d'humanité, d'espoir et de générosité qui montre que l'homme est au-dessus de tout, capable de se construire et d'évoluer en ayant confiance. Comme dit Protagoras, "l'homme est la mesure de toutes choses".
Amadou Elimane Kane est un humaniste, il dénonce les injustices, toutes les injustices et exhorte à la solidarité dont le première forme est d'aider l'autre à apprendre, à acquérir la connaissance. À travers Boubacar, on se rend compte qu'avec le savoir et la terre (tout ce qui rend l'homme meilleur), on peut repousser les mesures du vide.
Boubacar a connu toutes sortes de souffrances depuis sa tendre enfance avec une famille polygamique, une tante sévère et autoritaire (première épouse de son père), un père qui est rarement à la maison et les misères da sa mère, souvent en silence. Dans un premier temps il décide d'arrêter ses études pour voyager, car il est convaincu de ne pas trouver la réussite dans son pays, barça ou barsakh, "l'Europe, quels que soient les dangers et les difficultés" p.21. Le chemin est long et difficile de Saint Louis en France en passant par Dakar, Thiès, Tambacounda, Kidira, Kayes avant d'arriver à Bamako puis Sikasso où il continue jusqu'à Bouaké, ensuite Abidjan.
Retour à Bamako où il retrouve avec émotion sa bienfaitrice et son mari Alioune pour ensuite reprendre sa route : Gao, Niger, Anefis, Tessalit avec d'autres compagnons de voyage qui veulent quitter l'Afrique, leurs "projets n'auraient de sens que sur l'autre continent" p.32
La route est un calvaire jusqu'à Tamnassaret, Moggar, le Sahara, la Tunisie, Tiaret, Remada par bateau et quel bateau avec une faible lueur d'espoir jusqu'à Gabès et Sousse puis Rome,  Palerme, Naples, enfin ... Paris.  Le chemin périlleux et difficile parsemé d'embûches, de tracasseries de toutes sortes et de privations n'a pas empêché à Boubacar d'"arriver" et de  retrouver des raisons d'espérer mais c'est comme qui dirait le début des vraies souffrances. La rencontre avec son frère Alpha Ciré est un échec. En accompagnant son ami Paul à l'Université, Boubacar rencontre Samba Diallo, son ami d'enfance. Ce dernier l'aide, le soutient, lui montre la voie sans rien attendre en retour. Cette entrevue remplit Boubacar d'une étincelle de lumière qui le rend si léger. Plus tard, malheureusement, Samba Diallo choisit de tourner le dos à l'intérêt général pour pactiser avec le pouvoir qui "le tenait et ne desserrait pas son étreinte" p.58 jusqu'à la prison et l'humiliation. Avec Samba Diallo, les fruits n'ont pas su porter les promesses des fleurs. Boubacar n'est pas d'accord avec lui mais ne l'abandonne pas, sa "fraternité est indestructible" p.135.
L'Europe a sa part de responsabilité dans la déchéance de l'Afrique mais celle-ci est porteuse de son image ; il est donc malhonnête de considérer qu'elle est la cause de tous nos maux. La question qu'il faut se poser est de savoir pourquoi les Européens ne peuvent pas reconnaître le potentiel des Africains ? Pourquoi ils ne voient chez le Noir que "celui qui est incapable d'exercer des responsabilités" ?  Pour exemple, Boubacar, avec toutes ses connaissances, son savoir et sa formation, ne peut débuter son enseignement sans la présence de la directrice d'école. Malgré le manque de confiance de ses chefs, la raillerie et la méchanceté de ses collègues, Boubacar va jusqu'au bout de son rêve. Est-ce que les Européens craindraient-ils d'être dépassés ? Savent-ils que l'Afrique est le continent de l'avenir ? Dans l'inconnue de la réponse, L'ami dont l'aventure n'est pas ambiguë nous invite à repenser nos systèmes de valeur pour nous développer. C'est possible avec l'honnêteté, la générosité et le savoir.
La réussite de Boubacar donne l'exemple remarquable de ce qui peut être accompli grâce à une énergie forte, l'intelligence, l'esprit visionnaire et une volonté de fer. La connaissance confère la puissance.
Par ailleurs, aider à l'autre à savoir revient à l'aider à se construire tel Abdul, le fils de Mariam Asta Kane, la femme dont l'aventure est un poème. Bocar Sokhna, l'homme au regard de braise, consacre la majeure partie de son temps et son énergie au Domaine qui est son univers, lequel Domaine continue d'exister par la volonté, le courage et la détermination de l'homme. Leur souhait était que, plus tard, Abdul reprenne les rênes mais leur fils a en vue des horizons plus larges, aidé en cela par Boubacar. Abdul va poursuivre ses études en France.
Il est plus chanceux que Demba Diallo et Nabou, éperdument amoureux l'un de l'autre, mais la société refuse cet amour à cause de stupides "classes". Leurs parents respectifs croient que le mélange des classes crée des problèmes et s'opposent farouchement à leur union. Mais l'amour étant une chose infinie, ils reconstruisent leur vie en suivant un principe simple : s'aimer d'un amour vrai, inaltérable, y croire et être en mouvement en acceptant le prix. Et avancer. L'amour ne doit pas être un obstacle à l'ordre établi mais doit "obéir à une alchimie que le cœur doit suivre" p.164.
"Rien n'est plus dangereux que le fameuse appartenance", nous dit Amadou Elimane Kane à la page 136 de l'ouvrage.
Amadou Elimane Kane montre dans son récit que si l'homme entreprend et réussit de grandes réalisations c'est parce qu'il bénéficie de la présence douce et aimante d'une femme -qu'elle soit mère, sœur, amie, épouse, etc. Si Boubacar est resté à l'école, Amy, sa mère s'est battue avec ardeur. Ensuite il a eu la chance de rencontrer Collé dans le train de Dakar à Bamako, ensuite plus tard Julia qui l'accompagne jusqu'à Rome. En France Anne-Marie lui offre "son amour avec force et authenticité, désormais Boubacar n'était plus seul".
Samba Diallo n'a pas écouté les sages paroles et les recommandations de son épouse, préférant poursuivre son extraversion, il a mal fini.
Demba Diallo a réussi à s'extirper de son désespoir parce qu'il y a Nabou.
La poésie est condition de toute vie, elle est source de vie et le poète recrée le monde. Amadou Elimane Kane  sait avec Hölderlin  que "les poètes fondent ce qui demeure". Il marche et se souvient, alors il ne peut ni se taire ni se soumettre.
Pour m'arrêter, L'ami dont l'aventure n'est pas ambiguë est un récit de générosité et d'ouverture écrit dans une langue de toute beauté, avec des phrases simples et pratiquement sans coquille où Amadou Elimane Kane nous montre qu'il faut considérer l'homme dans sa qualité fondamentale d'être humain, comme son prochain, qui possède une liberté et une conscience. Une belle leçon d'humanisme à insérer dans le programme scolaire des jeunes africains pour leur rappeler que le développement passe par l'éducation, c'est-à-dire l'apprentissage des valeurs morales et de la rectitude de la conduite que nous pouvons appeler discipline. C'est la connaissance qui nous élève et fait notre richesse d'homme.
Ndèye Codou Fall

L'ami dont l'aventure n'est pas ambigüe, Amadou Elimane Kane, récit, éditions Lettres de Renaissances, Paris, 2013

Biram Dah Abeid : un panafricaniste combattant toutes les formes de pratiques esclavagistes en Mauritanie

BiramBiram Dah Abeid fait partie de ces hommes engagés qui militent pour une cause fondamentale des droits humains, celle de l’abolition des pratiques esclavagistes préexistantes en Mauritanie. Tout récemment, en 2013, il a reçu le prix des Droits de l’Homme des Nations Unies pour la lutte qu’il a entamée depuis maintenant trente ans. Ainsi la communauté internationale lui reconnaît le statut de son combat contre les pratiques esclavagistes et les discriminations en Mauritanie comme une cause essentielle à l’ensemble de l’humanité. Le principe fondateur de la dignité humaine que défend Biram Dah Abeid doit être soutenu et porté afin d’éclairer le devenir du continent africain par une vision juste et vertueuse qui admet l’égalité des populations.
Militant mauritanien, né en 1965 à Rosso, Biram Dah Abeid est historien et avocat. Il est aussi la figure emblématique de la bataille contre l’esclavage en Mauritanie. Descendant d’esclave par son père, Biram Dah Abeid grandit dans un univers où les maures imposent leur pouvoir aux communautés noires de Mauritanie. Révolté et indigné par ces pratiques d’un autre temps et ces discriminations grandissantes, Biram Dah Abeid milite très tôt au sein de mouvements politiques progressistes. Il est également un acteur important au sein d’Organisations Non Gouvernementales antiesclavagistes, avant de fonder en 2008 l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA-Mauritanie), un mouvement qui lui sert à dénoncer sans relâche les pratiques esclavagistes scandaleuses toujours en vigueur en Mauritanie.
Ne cédant à aucune pression politique ou idéologique, et poursuivant son combat de l’éthique et de la justice, Biram Dah Abeid est emprisonné à plusieurs reprises en Mauritanie car considéré comme un citoyen dangereux, une fatwa est d’ailleurs lancée contre sa personne. Lors d’une manifestation en 2012, Biram Dah Abeid brûle des textes de droit de l’école Malikite, l’une des écoles de droit musulman qui encourage la pratique de l’esclavage. La même année, après plusieurs mois de détention préventive, il est finalement relâché et son procès annulé pour vice de forme par la cour criminelle de Nouakchott.
Ainsi Biram Dah Abeid devient une figure majeure de la lutte en Mauritanie, et en Afrique, contre des pratiques criminelles et barbares qui réduisent l’humanité à néant. Il dit avoir beaucoup réfléchi aux sentiments de peur, de cupidité et de conformisme qui parasitent la vision du leader en Afrique. Tous ces troubles de la personnalité doivent être maîtrisés pour pouvoir proposer un nouveau monde éclairé fait de justice, d’égalité et de solidarité.
Intransigeant, déterminé et visionnaire, plaçant au centre l’intérêt commun des populations noires de Mauritanie, Biram Dah Abeid continue sans sourciller, malgré les menaces, à proposer une autre mode de société pour la Mauritanie, pour le continent africain. Et c’est cela qui fait sa force, ce combat dont il ne s’est jamais défait et qui le place comme un réel défenseur des droits humains fondamentaux et comme un penseur panafricaniste pour une Afrique réunie.
L’engagement, la détermination, la défense antiesclavagiste, la solidité de son désintérêt personnel, sa perception humaine font de Biram Dah Abeid un candidat sérieux au nouveau leadership africain. Car au sein des enjeux économiques, culturels, sociétaux et politiques de la construction des Etats-Unis d’Afrique, Biram Dah Abeid se positionne comme un panafricaniste moderne, humain, qui revendique l’unité africaine dans ce qu’elle a de plus fondamentale, c’est-à-dire dans la dignité humaine, le rétablissement de la justice, la fin des discriminations et l’abolissement d’une pratique esclavagiste intolérable et honteuse. Militant aussi des langues nationales africaines et favorable à l’introduction d’une monnaie continentale, Biram Dah Abeid s’inscrit puissamment dans la démarche de la Renaissance Africaine et de la construction des Etats-Unis d’Afrique.
Résolu à conquérir un espace politique où la justice est pauvre et réduite à néant, Biram Dah Abeid combat également toutes les formes de corruption et les actes de détournements des deniers publics, convaincu que ces pratiques sont tout autant criminelles et empêchent le continent africain d’émerger dans l’équilibre et l’épanouissement.
Ainsi le combat de Biram Dah Abeid s’inscrit dans le temps et dans l’histoire et doit marquer l’avènement d’une Afrique nouvelle, celle tournée vers l’équité, vers l’unité, vers la justice, vers la réhabilitation de ses valeurs culturelles et sociales, vers la défense des droits humains fondamentaux, vers l’abnégation et la probation des dirigeants. Un continent africain rebâti autour des principes humains qui fera renaître les flambeaux de la réconciliation, de la dignité, de la modernité et de la justice.
 
Amadou Elimane kane, poète écrivain, enseignant  chercheur en sciences cognitives
et fondateur de l’Institut Culturel Panafricain et de recherche de Yene/Sénégal

Ecrire pour survivre, par Oumar Diagne

 
OumarOn peut se demander ce qui pousse à écrire. Est-ce un besoin de reconnaissance, de communiquer, d’influencer  le cours de l’histoire, d’éduquer, etc.  Chacun peut avoir ses motivations mais il est certain que l’on peut écrire pour survivre.
Certains êtres sont plongés dans une quête de sens et cette quête peut les entraîner  dans des abîmes douloureux. Dans le silence et la solitude, ils sont habités par des volcans  intérieurs qui les rongent. Et face  à cette situation, ils n’ont pas beaucoup de choix car les forces qui demeurent en eux les lient.
Chaque être humain aspire au bonheur. Malheureusement, pour certains esprits, il est difficile à atteindre non pour des raisons matérielles, familiales, de relations mais à cause de leur nature. Leur situation est d’autant plus délicate que nous vivons dans un monde où l’idée du bonheur est modélisée. La  bonne santé, l’amour, la famille idéale, la réussite sociale, la richesse sont considérés comme les  choses à acquérir pour être heureux. Pourtant toutes ces aspirations humaines répondent à des aléas et conduisent souvent à la désillusion.
Il ne s’agit pas de nier l’importance de la santé, de la vie de famille, etc. mais ce que je veux dire est que toutes ces aspirations sont aléatoires, volatiles. La vie  elle-même faite de fragilités, de réussites, d’échecs. Le vrai bonheur ne dépend d’aucun aléa. Il  vient de notre for intérieur  et celui-là intègre la vulnérabilité de l’existence.
Il n’est nullement interdit, bien au contraire, d’améliorer ses conditions matérielles de vie, d’habiter son corps, d’en prendre soin et de le chérir. Mais le bonheur ne pourrait être confondu avec le  plaisir et l’agréable, le bien-être et le confort physique.
«Le bonheur vient de nous-mêmes. Il représente une disposition, une aptitude interne psychique. Il prend son origine dans cette extraordinaire  mais simple sensation d’exister, dans cette ineffable certitude d’être vivant et entier dans un corps réel. Il se trouve dans le plaisir de vivre, dans le désir et l’«en-vie»  d’exister, vivant parmi les vivants, et non dans les plaisirs de la vie.»[1]
Ces êtres dont je parle qui sont minés par une quête profonde, voient l’absurdité de la vie et voient la limite de ce qui leur est proposé pour donner sens à leur destinée. Ils ne se trouvent pas dans le plaisir de vivre.
Un des écrivains les plus célèbres qui s’est penché sur cette question est Albert Camus.
L’idée de l’absurde a été  pensée  par cet auteur dans le Mythe de Sisyphe (1942), reprise dans l’Etranger(1942) puis au théâtre dans Caligula et le Malentendu (1944).
Pour cet auteur, L’Absurde est lié à la situation de  l’homme qui ne saisit pas le sens du monde et qui est incapable de donner un sens à la vie. Il s’agit de « ce divorce entre l’homme et sa vie, l’acteur et son décor, c’est proprement le sentiment de l’absurdité. » Ainsi Albert Camus refuse toute transcendance ou idéologie. Il fait face à une situation dont il tirera des conséquences. Il s’agit pour le commun des mortels, d'une attitude difficile à supporter.
Cette condition conduit, la plupart des gens, à un désespoir, à une dépression. On peut ainsi comprendre pourquoi de nombreuses personnes s’accrochent à des idéologies, à des croyances pouvant les amener aux plus ignobles violences. La vérité est, qu’au fond d’eux, ils sont envoutés par la peur de faire face à leur condition d'homme.
Je fais, pour ma part, une différence entre la religion et la spiritualité. La spiritualité grandit tandis que la religiosité aveugle.
L’homme, d’une façon générale, cherche le bonheur à tout prix. Malheureusement, cette quête est souvent teintée d’illusions, de cécité, de peurs. Le vrai bonheur est celui qui conduit à la vie. Être heureux, c’est être vivant, être habité par une libido qui circule avec fluidité. La libido est entendue, ici, non pas au sens freudien mais comme une énergie.
Le problème de ces êtres confrontés à l’absurde est justement de concilier leur perception du monde et la vitalité. C’est pour cette raison que j’ai intitulé mon article « Ecrire pour survivre » car il est difficile d’être habité par l’absence de sens et,  en même temps, être heureux.
Le sentiment de l’absurde conduit chez de nombreux êtres humains   à un blocage de la circulation de l’énergie. Il faudrait une grande habileté pour parvenir à dépasser cet état.
Il y a chez l’être humain un penchant pour donner  un sens  à sa vie. C’est pourquoi depuis le début de l'histoire humaine, il s'y est adonné. C’est cette propension humaine qui a donné naissance aux mythes qui, contrairement à ce que l’on croit, ne sont pas encore morts. Sauf, qu’aujourd’hui, ils sont habillés de science.
La quête de sens est aujourd’hui criante. Après le siècle des lumières, on a cru que l’être humain serait habité par la raison et qu’il trouverait des réponses à ses questions, le vrai sens de la vie. Tel n'est pas le cas. De nos jours, la déconvenue est criante et nombre de violences sont liées à cette quête. L'économie libérale fait des ravages, les guerres au nom de Dieu démolissent des peuples et créent des zizanies entre nations.
Bref, il est difficile de vivre sans sens et l’écrivain de l’absurde est celui qui s’investit pour explorer son univers intérieur pour ne pas sombrer car il faut s’investir quelque part pour faire circuler son énergie souvent chancelante. L’écriture devient ainsi une source de  survie. C’est pour cette raison que, souvent, certains écrivains ou artistes, de manière générale, boivent, s’investissent dans le sexe, la drogue, etc.
La circulation de la libido est nécessaire à la survie. Et l’absence de sens conduit souvent à une difficulté de vivre. L’écriture devient ainsi comme  un pansement. L’inhibition de la libido conduit à un  tel comportement.
La force de l’écrivain de l’absurde est qu’il habite une nuit éclairée. Il  fait face à l’étrangeté de la vie. Il ne se contente pas d’idées qui figent. Il interroge sans fin dans la douleur avec courage. L’écriture devient  pour lui une des rares sources où il peut s’altérer pour étancher sa soif. Face à la feuille blanche, il fouille les coins et les recoins pour avancer à petits pas à la quête d’un sens qui fuit toujours. Il est l’albatros aux grandes ailes dont parlait Charles Baudelaire. Il est le moineau qui s’envole de lieu en lieu pour trouver sa pitance. Il ne se contente pas de la tyrannie des idées ambiantes. Il marche sur des chemins rocailleux, trainant de lancinantes plaies aux pieds. Il se faufile au cœur d’immenses et opaques forêts à la recherche de clairières.
L’écrivain de l’absurde « procède par éclairs, par brisures, définissant une dialectique des contraires, héritées d’Héraclite, qui oppose tour à tour lumière et ténèbres, amour et amitié, petits et grands, mal et bien, homme et Dieu, musique et silence, mort et éternité.»[2]
Il ne faut pas croire que ce fouineur est un masochiste. Il est simplement pris par le tourment de sa quête sans fin. Il ne peut se contenter de la facilité. Il est lié par sa  propre nature.

Oumar Diagne, poète écrivain


[1] Moussa Nabati, le bonheur d’être soi, Editons Le livre de poche, p.18-19

[2] Anne Sophie Yoo,  « Steiner face aux ténèbres », in Valeurs actuelles, 10 mai 2012, p.61

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Compte rendu de la conférence sur le thème Pour un homme africain fier de sa tradition africaine, au Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines

L'Institut Culturel Panafricain et de recherche de Yene était représenté par le Dr Ndongo MBAYE, Membre du Comité Scientifique, Directeur des Universités d’été et du Département  Lettres et Culture, Responsable de la Collection « Poésie » des éditions Lettres de Renaissance. n-dongo-m-baye-l-ami-le-poete-2.jpg

Une Conférence de tous les espoirs      

Les 8, 9, et 10 Octobre 2013, s’est tenue à Yaoundé une Conférence Internationale sous le thème : « Pour un homme Africain fier de sa tradition africaine ». Initiées par le Centre International de Recherche et de Documentation sur les Traditions et les Langues Africaines (CERDOTOLA), Institution Intergouvernementale africaine et Organisation Internationale dédiée à la culture, ces  Journées de Communication dites J2C, étaient organisées dans le but d’assurer la présentation, la promotion et la vulgarisation du CERDOTOLA. Sous la férule du Secrétaire Exécutif, l’éminent Professeur Charles Binam Bikoi, ces rencontres ont réuni plusieurs dizaines de personnalités venues de diverses aires du globe, et  embrassant différentes disciplines.
C’est ainsi que le travail effectué à un rythme très dense, s’est effectué sous formes d’ateliers avec comme thématiques :
- « Patrimoine et culture alimentaire africains : enjeux pour le développement durable. Bien manger et bien vivre africain »
- « Les langues africaines dans les enjeux du développement et de l’émergence des peuples »
- « Ethique et esthétique africaines en contexte de mondialisation. Le Beau, le Juste, le Vrai vus d’Afrique aujourd’hui »
- « L’historiographie africaine : source et socle de toute renaissance africaine »
- « Gouvernance et communication mondiales : quelles chances  pour l’Afrique ? »
- « Pensée africaine : mirages et réalités. 
- "L’Afrique à l’épreuve de la pensée africaniste internationale. Peut-on encore penser africain dans un monde global ? »
En dehors des communications, le CERDOTOLA a organisé avec un très grand professionnalisme, des expositions et des cérémonies de dédicaces pour ses abondantes et fertiles productions.
Après plusieurs jours de réflexions, d’échanges, de regards croisés, la Conférence s’est terminée dans la convivialité et le festif  par une  agréable et authentique soirée de gala qui s’est prolongée tard dans la nuit.
Les participants se sont promis de se retrouver régulièrement, dans d’autres pays africains, pour continuer l’Espoir que constituent ces travaux dans le sens de la Renaissance Africaine.
Dr Ndongo MBAYE
 

Institut Culturel Panafricain et de Recherche de Yene : Un fleuron de l’émergence culturelle au Sénégal

Reportage publié dans le journal Le Quotidien du 15 octobre 2013, rubrique Culture yenne1.jpg

Séjours culturels, résidences artistiques, manifestations diverses, l’Institut Culturel Panafricain et de Recherche de Yene (Icp) est un espace pluriel dédié aux diasporas africaines, à l’exploration de la connaissance, à l’échange, aux arts, au dialogue des cultures dans un décor généreux. Fondé et financé par Amadou Elimane Kane, écrivain-poète et enseignant chercheur à Paris, cet espace uni et ouvert s’inscrit résolument dans la démarche de la Renaissance Africaine pour la valorisation de toutes les compétences artistiques et culturelles des diasporas africaines considérées comme la sixième région du continent africain. Yene, c’est également le petit paradis des personnalités politiques et culturelles du Sénégal. Un milieu en pleine mutation.

Mardi 8 octobre 2013. Il est presque 11 heures à quarante kilomètres au sud de Dakar. Yene, un village paisible avec son paysage chatoyant, se soigne. En effet, sur la route menant à l’Institut Culturel Panafricain et de Recherche (ICP), quelques villageois s’affairent avec les moyens du bord à renforcer le bitume. Le centre, un joyau de 2 000 m², est aménagé au bord de l’océan, avec une belle vue sur le lac. Il est situé en plein cœur de Yene, un village traditionnel lébou dont l’activité principale est la pêche. C’est un lieu magique entre océan et lac naturel. Le directeur et fondateur de l’institut, Amadou Elimane Kane, déborde d’émotion lorsque le portail s’ouvre. L’homme de culture, écrivain et poète sénégalais expatrié en France depuis plusieurs années, semble surexcité. Cette simple visite semble lui donner beaucoup de réconfort. Non ! A chaque visite dans ces lieux qu’il a construits de ses mains et à la sueur de son front, M. Kane entre plutôt en transe. Pour preuve, tel un guide inspiré, le poète lance la visite par des mots assez explicites : «Je suis un homme d’émotion…Je vais fixer le soleil et vous le dire… ça, c’est le fruit de mon combat…» Puis il enchaîne avec les vers de La Parole du Baobab :

«Vers quel baobab
Où s’égrène le temps
Comme un chapelet de cauris
Réapprendre mon chant le champ
Et déplier ma poitrine torrentielle
Pour vivre ma prière païenne
Pour bâtir une géométrie
Souveraine où naîtront
Les soleils de nos libertés
Avec ma calebasse entaillée
Je ne vois plus
Vers quelle étoile
Vers quelle lumière
Eclairer les brouillards matinaux
Mais voici ma canne de sagesse…»

A dire vrai, Amadou Elimane Kane est un militant panafricain. Ses convictions et ses recherches dans le domaine du patrimoine historique et culturel africain l’ont conduit à créer cet institut afin d’y promouvoir toutes les formes d’expression artistique et culturelle dans une perspective de connaissance et d’ouverture. Aujourd’hui, l’institut organise des activités artistiques et culturelles dans un cadre attractif, convivial et proche de la nature. Mais ce ne fut pas chose facile. «J’ai rencontré énormément de difficultés pour bâtir ce centre. Le terrain, je l’ai acheté en 2003… Et n’eut été le petit frère du chef du village, Ali Sow, je n’aurais pas pu m’installer ici», raconte M. Kane. Revenant sur les péripéties qui ont jalonné la construction du site, il narre ému : «J’ai investi beaucoup d’argent ici. Vraiment beaucoup d’argent. Juste pour construire une salle, j’ai mis autant d’argent que pour construire trois maisons à Dakar. Pour cette seule pièce, j’ai perdu au moins 10 tonnes de ciment. Comme je n’étais pas sur place, les gens m’ont beaucoup roulé…Et pour finir, les autorités locales (le préfet, le gouverneur…) étaient venues interdire la poursuite des travaux, à maintes reprises… Je dois l’achèvement du site au petit frère du chef du village, Ali Sow, qui m’a beaucoup soutenu et appuyé. Il m’a défendu contre vents et marrés…» Aujourd’hui, l’Institut Culturel Panafricain (Icp) de Yene est devenu une réalité et propose des activités liées à la culture et aux arts. «Il contribue à la découverte, à l’appropriation et au partage d’évènements artistiques et intellectuels de qualité. Sa vocation est de décloisonner les expressions artistiques et culturelles pour permettre à chacun de s’exprimer.» Les bâtiments du centre, dessinés par Amadou Elimane Kane lui-même, renvoient à des symboles. «Le premier bâtiment que vous voyez est d’inspiration soudanaise, l’autre est une architecture hellénique, tandis que le dernier à une forme pyramidale», explique-t-il. Non sans omettre de préciser que le centre «entend s’investir pleinement dans la promotion, la professionnalisation et le développement des industries créatives en Afrique à travers un travail de coordination régionale et à travers une mobilisation des actions des diverses initiatives». Et pour réussir à bien ces missions, l’ICP s’est doté d’une résidence tout confort, et peut accueillir des groupes de résidents de 15 personnes. Il dispose en effet de 7 chambres individuelles, équipées chacune d’une salle d’eau, de 2 cases appartements (capacité de 2 à 4 personnes), d’une grande salle pour mener des ateliers et des débats puis d’une terrasse aménagée en bar et restaurant.

Un projet de Toubab ?
Mais pourquoi avoir pris ce risque d’investir dans un milieu éloigné de la capitale sénégalaise ? Qui est derrière ce projet culturel ? Des Toubab ? Et pourquoi autant de hargne pour faire vivre l’ICP ? Ces interpellations, Amadou Elimane Kane les a sûrement entendues à maintes reprises. Et pour y répondre, il indexe son amour pour l’Afrique, pour le Sénégal mais surtout pour la culture. «On a souvent accusé notre génération d’apathie, d’être opportuniste, et de ne porter aucun combat digne de ce nom. Dans un contexte africain, marqué par le fatalisme, le délaissement, l’afro-pessimisme et l’auto-flagellation, ce ne sont pourtant pas les causes qui manquent. Notre tâche est alors ardue, car elle consiste à restaurer la confiance, à habiter l’espoir et la renaissance en faveur des générations futures. Le constat d’une déliquescence des valeurs, d’un abandon de la voie de l’effort, d’une «folklorisation» de la culture, démobilise autant qu’il occulte la nécessité d’un sursaut de conscience. Notre tâche consiste également à dire aux plus jeunes qu’il y a de l’espoir dans l’éducation et dans l’acquisition des connaissances», mentionne-t-il. A en croire M. Kane, «Il n’y a aucun Toubab derrière ce projet. A chaque fois que l’on réussi quelque chose, les gens pensent toujours qu’il y a une main derrière. Ce centre, c’est le fruit de mon labeur…» Il tranche : «Je revendique ma liberté…»
D’ailleurs fait-il savoir, «je me suis entouré d’amis, de collègues, de gens qui sont dans le domaine de la culture pour assurer le bon fonctionnement de l’Institut». Et lorsqu’on jette un regard sur le site web du centre, le comité scientifique qui réfléchit sur l’orientation et les actions de l’Icp est composé d’éminentes personnalités du monde des arts et de la culture. Il est composé de Evelyne Robert, professeur en Guadeloupe, de Jean-Phlippe Moison, chercheur en Guadeloupe, de Michel Doumengue, professeur en Martinique, Marie Rose, comédienne, de Jean-Charles Rémion, chercheur en Martinique, de Guilène Harris, musicologue à Singapour, de Guylaine Renaudineau, femme de culture, de Elikia M’Bokolo, histoirien et directeur d’études à l’Ehess, de Maty Diakhaté, professeur de droit, de Doudou Sidibé, enseignant-chercheur, de Nouréni Tidjani Serpos, écrivain, professeur et ancien sous-directeur général de l’Unesco, département Afrique, de Moussa Sène Absa, cinéaste, de Bios Diallo, poète écrivain, de Papa Alpha Sow, expert comptable, de Caya Makhélé, écrivain et éditeur, de Ndongo Mbaye, professeur et écrivain-poète, de Habib Demba Fall, poète-écrivain et journaliste, de Victor Bouadjio, écrivain et éditeur, de Ramataloulaye Diagne Mbengue, professeur et écrivain, de Macodou Ndiaye, professeur, historien et anthropologue, de Roger Sidokpohou, professeur et écrivain, de Racine Senghor, professeur, écrivain, de Amy Niang, écrivain et professeur, de Assane Wade, professeur de lettres, de Paul Dakeyo, poète et éditeur, de Hamidou Dia, professeur et écrivain, de Djibril Gningue, directeur de la Diaspora Africaine, de Thierry Sinda, professeur, écrivain-poète et journaliste, de Henri Pémot, écrivain, de Alpha Mamadou Maïga, chercheur, de Odile Blin, chercheur à l’université de Rouen, de Zulu Mbaye, artiste-plasticien.  «La démarche généreuse et éclairée du fondateur de l’Icp, Amadou Elimane Kane, qui a érigé cet espace d’idées et de création sur fonds propres, est une invitation, une main tendue à la jeunesse africaine. Il incombe à celle-ci de s’en approprier et d’y mettre un contenu à la hauteur de ses ambitions», précise-t-on sur le site de présentation de l’Institut. L’enseignant-chercheur à Paris, par ailleurs auteur de L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, ne cache pas sa vision. «A une époque, j’avais fait le nègre de certains hommes politiques et on m’a logé sous des lumières qui ne sont pas miennes. Je l’assume. Mais je prends du recul et j’ai changé  de fusil d’épaule…Les politiques font dans l’achat de conscience et je ne suis pas dans ce besoin… Mon salaire me fait vivre…», confie-t-il fièrement. Aussi, Amadou Elimane Kane de poursuivre, «ce que j’ai fait ici à Yene, c’est pour soutenir mon Peuple. Mes enfants n’en sont même pas héritiers ; enfant, j’ai été porté par ce Peuple. Et j’ai choisi de le soutenir et non pas de l’asservir… Notre démarche consiste à allier innovation et engagement pour la rencontre des lumières panafricaines…»


L’ICP de Yene, un joyau snobé par l’élite sénégalaise ?
Malgré sa beauté, sa convivialité et surtout ses ambitions, l’Icp de Yene semble bien être snobé par l’élite locale. La plupart des projets qui s’y déroulent sont en partenariat avec des structures européennes : Francophonie, la Maison des écrivains et de la littérature, les éditions Acoria, le collège Charles Péguy et l’académie de Paris, la radio scolaire de l’académie de Paris : Radio Clype, le collège Pablo Neruda et l’académie de Créteil, la Fondation Bnp Paribas…. Et pour cause, sur le plan national, les autorités ne semblent pas encore mesurer l’importance de ce joyau. Interpellé sur les personnalités sénégalaises qui ont tout au moins effectué une visite de courtoisie sur les lieux, Amadou Elimane Kane devient presque muet. Il aurait préféré éviter de répondre à cette préoccupation. Mais après quelques minutes de silence et de réflexion, il lance : «J’aurais voulu ne pas en parler ou plutôt citer des noms. Mais je dois vous dire que j’ai été marqué par la visite du Pr Ndongo Mbaye et de Moussa Sène Absa…» Moussa Sène Absa ? Un nom qui rime parfaitement avec Amadou Elimane Kane. Parce qu’il faut le reconnaître, ce sont des noms de personnalités du monde de la culture qui, parce qu’elles sont en déphasage avec les aberrations de l’environnement culturel local, sont vues comme de «anticonformistes». N’est-ce pas d’ailleurs ce même regard parfois réducteur porter sur l’intellectuel revenu servir son pays, qui fait que les autorités en charge de la culture n’ont pas encore senti le besoin d’exploiter et mieux aider à valoriser cet institut ?  De toute évidence, rares sont les autorités et acteurs culturels qui sont allés à Yene pour appuyer le projet, encourager son initiateur ou le soutenir. «Certains hommes politiques viennent. Mais juste pour voir comment tirer les ficelles…», confesse l’écrivain, chercheur et directeur de l’Icp de Yene. Toutefois, il dit comprendre les acteurs culturels. «Ces gens sont dans des conditions de survie ici. C’est ce qui empêche nos hommes de culture de jouer pleinement leur rôle…», analyse-t-il. Pour l’heure, Amadou Elimane kane ne baisse tout de même pas les bras. Au contraire, il compte donner plus de dynamisme aux activités du centre. «Nous avons certes des projets de résidences artistiques en vue. Mais je veux dans un futur proche nouer des partenariats avec l’Institut français, le Goethe Institut, les ambassades en Afrique qui ont des départements culture…pour mener véritablement un échange culturel fécond», renseigne le poète.

Amadou Elimane Kane, un noble parmi les notables à Yene ? amadou-elimane-kane-006-1.jpg
L’Institut Culturel Panafricain et de Recherche de Yene invite à imaginer l’Afrique, à la lire, la conter et la vivre de belle manière. Son directeur souligne que son objectif est de promouvoir, de préserver et de transmettre le patrimoine panafricain, qu’il soit culturel, artistique, social, matériel et immatériel, aux générations futures. L’écrivain et poète, Amadou Elimane Kane, veut ainsi faire de cette institution d’excellence, «un espace de liberté et de rayonnement de la culture». Mais cela suffit-il pour mériter autant d’égard, d’estime, dans la cité de Yene ? En réalité dans ce petit village lébou, l’intellectuel panafricaniste, auteur de Les Rayons de la calebasse, (éditions Nouvelles du Sud, 1995) n’a rien à envier à une tête couronnée. Il est plus qu’un prince. Dans le village, il est considéré comme un noble. Ici, chacune de ses visites semble épiée par les autochtones qui ne ratent pas l’occasion de lui chanter des louanges. Youssouph Sow, le chef de village de Yene en personne, rencontré fortuitement pendant que la visite s’achevait, ne tarit pas d’éloges à son endroit. «Cet homme est un homme de valeur. Ce qu’il a fait pour nous dans ce village, on ne peut finir de le remercier. Elimane Kane a bon cœur. Au départ, on ne le savait pas. Et il y a eu quelques mésententes. Mais aujourd’hui, si on amène même un chien dans ce village et que l’on nous dit qu’il appartient à cet homme, nous allons chérir ce chien comme si c’était lui-même…», témoigne M. Sow en présence de l’imam ratib de la zone. Une estime et des déclarations qui surtout, en disent également long quant à l’espoir que ce village porte sur le projet du fondateur de l’Icp. Pourtant, Amadou Elimane Kane n’est pas le seul intellectuel ou personnalité du pays à avoir construit à Yene. Le village a la particularité d’abriter les résidences de plusieurs pontes du Parti démocratique sénégalais (Pds). Un vaste site, constituant une agglomération d’hommes de pouvoir, est d’ailleurs baptisé «la cité des ministres». Ici, plusieurs barons et proches de l’ancien Président Me Abdoulaye Wade ont érigé des immeubles de 2, 3, 4…étages. Vivent-ils là-bas, ou ce n’est que des résidences secondaires ? Renseignements pris, l’on indique que certains y vivent. D’autres viennent juste y passer le week-end. D’autres par contre ont laissé à l’abandon leurs immeubles. A Yene, juste derrière l’Institut panafricain, à quelques encablures de l’océan, une maison peinte en jaune attire l’attention. «C’est celle de Mbaye Jacques Diop, ancien président du Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales sous Wade», informe-t-on. «Il adore faire du sport…», précise-t-on par ailleurs. Puisque ce vétéran de la politique, contrairement à certains hommes politiques ayant construit dans le village, est un habitant de Yene. Tout le monde le sait et cela semble bien être un privilège pour les habitants. Même si ces derniers regrettent qu’avec autant de «riches», leur village soit encore sans grandes infrastructures. Le chef du village en personne s’en offusque à demi-mot : «lorsque nous avons fini les travaux de la mosquée, c’est grâce à Amadou Elimane Kane que nous avons pu y mettre du courant…, pourtant il y a Mbaye Jacques Diop qui est juste derrière ici», confesse-t-il, louant l’esprit de solidarité du poète qui dernièrement encore a favorisé un bel échange culturel entre les élèves de l’Ecole primaire de Yene et ceux du collège Charles Peguy à Paris. Outre les politiques qui y ont bâti leurs résidences, la zone de Yene, Toubab Dialaw… se présente comme le petit paradis des hommes de culture. Là-bas, tout le monde connaît l’Ecole des Sable de la danseuse Germaine Acogny, l’espace Sobo Badé du dramaturge et écrivain Gérard Chenet. Mais ce que beaucoup ne savent pas, c’est qu’il y a d’autres grands noms de la  scène culturelle sénégalaise qui y ont construit également des logements. C’est le cas du roi du mbalakh, Youssou Ndour, dont l’imposante demeure, laissée presque à l’abandon, subit les affres des intempéries. Non loin de cette résidence de l’ex-ministre de la Culture de Macky Sall, se dresse aussi celle de Baba Maal. Selon certaines indiscrétions, «il s’agit d’une maison-ferme». Somme toute, des joyaux qui font de la zone un petit coin touristique.

Reportage réalisé par Gilles Arsène TCHEDJI - arsene@lequotidien.sn

Amadou Elimane Kane, poète, écrivain et enseignant-chercheur : «Les méthodes de dénigrement et les manipulations ne doivent pas faire reculer l’homme de culture...»

Interview publiée dans le journal Le Quotidien du 12 août 2013, rubrique Horizonamadou-elimane-kane-006.jpg

Amadou Elimane Kane, poète écrivain et enseignant chercheur, nous livre beaucoup de son expérience personnelle et professionnelle à travers ses idées, ses engagements, le travail littéraire qui le passionne, les projets culturels qu’il met en œuvre au niveau du continent et sa vision de l’Afrique et du Sénégal. Ce parcours pluriel fait de lui une voix importante de la vie culturelle et artistique sénégalaise.

Depuis quelques temps, vous êtes plus souvent au Sénégal alors que vous êtes basé en Europe. Qu’est-ce qui l’explique ? Des projets… ?
Je viens plus souvent au Sénégal depuis 2004, date à laquelle j’ai commencé à mettre sur pied le projet de l’Institut culturel panafricain et de recherche de Yène. A cette période, j’ai acheté un terrain sur la commune de Yène Todd dans le but de construire un lieu qui permette les échanges artistiques, culturels et pédagogiques sur le continent africain. J’ai beaucoup travaillé à ce projet qui m’habitait depuis une trentaine d’années. C’est une sorte d’aboutissement à tous les combats que j’ai menés en Europe autour de la renaissance africaine et de la valorisation du patrimoine culturel africain. Sur mes économies d’enseignant et mes droits d’auteur, j’ai fait bâtir tout un espace de 2 000 M2 qui aujourd’hui accueille des groupes du monde entier dans un esprit de travail, de convivialité et d’échanges. Je suis plus souvent, c’est vrai, en terre sénégalaise, mais je continue de voyager en Europe, mais aussi sur le continent africain et un peu partout dans le monde. Selon moi, c’est une chance formidable de pouvoir vivre en différents endroits et de pouvoir concrétiser des projets dans cet esprit de partage et de découverte.
Poète, vous avez dit un jour que la poésie africaine est formidablement expressive. Mais quel regard portez-vous sur la poésie sénégalaise de façon particulière ?
Je suis particulièrement attentif à la poésie sénégalaise que je trouve merveilleusement productive. Nous avons de grands poètes au Sénégal que j’admire et qui m’inspirent. Je pense à Amadou Lamine Sall, à Ndongo M’Baye, à Hamidou Dia, à Habib Demba Fall, à Babacar Sall et à d’autres encore. Ces poètes figurent d’ailleurs dans l’anthologie que je viens de publier, qui s’intitule Enseigner la lecture/écriture et l’oralité : à la rencontre de 14 poètes sénégalais et qui est la réunion du travail que je mène depuis plus de 20 ans auprès des publics universitaires et scolaires dans le domaine de la poésie. En travaillant en France en tant qu’enseignant chercheur et aussi en tant qu’écrivain poète, et compte tenu de mes engagements, je me suis dit qu’il fallait absolument valoriser la poésie sénégalaise à travers l’enseignement et surtout auprès des jeunes. Ce travail a d’ailleurs reçu un accueil formidable auprès des élèves et a été soutenu par l’académie de Paris. Le livre est d’ailleurs préfacé par Sophie Fouace, Inspectrice pédagogique de l’académie de Paris qui a salué le caractère pédagogique et novateur du projet. Cette anthologie construit aussi un pont culturel entre la France et le Sénégal, entre les productions poétiques des collégiens basés à Paris et celles des écoliers de Yène. Par ailleurs, je travaille à une anthologie plus large qui réunira la poésie sénégalaise d’expression française de 1930 à nos jours. La poésie sénégalaise est extrêmement vivante, mais ce qui manque ici au Sénégal et plus généralement sur le continent, c’est la promotion de celle-ci, faire connaître les auteurs, le genre poétique à travers des rencontres, des lectures, etc. C’est ce que j’essaie de faire en proposant des publications et en menant des ateliers de poésie au sein de l’Icp, en partenariat avec les écoles, les collèges et les lycées pour que la poésie rencontre son public et que celui-ci soit également acteur de son expression.
Quand on lit vos poèmes, au-delà des mots, on vous sent très afro-optimiste…
Oui, c’est vrai. Vous savez, c’est un combat que je mène depuis 30 ans, celui de la promotion de notre patrimoine historique, culturel et social à travers ma poésie, mais aussi à travers mes engagements. Le continent africain possède des réserves extraordinaires qu’il s’agit de mettre dans la lumière. Je suis de ceux qui pensent que nous devons nous battre sur ce terrain, celui de la réhabilitation de notre espace géographique unique. Mon optimisme et mes espérances sont tels d’ailleurs que je propose que soit enfin concrétisé un grand rêve, celui des Etats-Unis d’Afrique, car il faut croire en l’unité. J’ai d’ailleurs tout récemment adressé une lettre au Président Macky Sall afin de porter ce grand projet en terre sénégalaise et d’avancer sur la voie du développement.
De manière générale, dans nos pays la poésie semble toutefois perdre ses lettres de noblesse.
Non, je ne crois pas. Les poètes sénégalais sont très talentueux, y compris ceux de la nouvelle génération. Je crois que la poésie est un genre majeur de la littérature qui ne peut pas s’éteindre. Mais c’est à nous de la porter, les écrivains, les hommes de culture. Comme je le disais précé­demment, ce qui manque aujourd’hui ce sont de véritables actions culturelles qui permettent une certaine visibilité littéraire et ainsi une reconnaissance du monde de l’écrit, des arts et de la culture. C’est aussi à nous d’y travailler pour être visibles. Ici, je veux poser le problème de la diffusion du livre des auteurs d’origine africaine. Nous avons de réels talents, mais malheureusement nos livres ne sont pas diffusés. C’est à ce niveau qu’il faut revoir nos politiques culturelles.
Thierry Sinda disait récemment de vous que vous êtes «un poète d’aujourd’hui, un poète de la néo-négritude». Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Cela signifie la continuité, je me sens bien sûr appartenir à ce que Thierry Sinda nomme la «néo-négritude» sans pour autant y être enfermé. Cela va de pair avec ce que je défends, c’est-à-dire la reconnaissance de nos arts, de notre patrimoine historique et culturel, de la renaissance africaine. Tous les poètes, tous les hommes qui ont œuvré pour la dimension africaine m’interpellent et m’inspirent amplement. Je salue au passage le magnifique ouvrage de notre ami Thierry Sinda qui représente un travail de longue haleine et qui rend hommage à toute cette expression artistique et poétique du monde noir.
L’on retrouve d’ailleurs des hommages à de grandes figures de la poésie africaine dont vous dans son Anthologie d’amour. Est-ce pour vous juste une reconnaissance ou plutôt une consécration de vos talents ?
Chaque publication est l’expression de la reconnaissance de mon travail et je suis très heureux de figurer dans cette anthologie. La consécration, je ne crois pas jusqu’au bout, il faut œuvrer pour ce en quoi on croit et rester humble. Chaque livre publié est pour moi une consécration intérieure, car je sais que j’ai mené un combat, un combat avec l’écriture qui parfois se révèle douloureux, mais que surtout j’ai réussi à porter un projet littéraire jusqu’à son aboutissement.
Outre la poésie, quel regard portez-vous sur la littérature sénégalaise d’aujourd’hui ?
J’y suis très attentif, car dans ce domaine il existe aussi de nombreux talents. J’admire beaucoup le travail de Boubacar Boris Diop qui est un auteur majeur de la littérature sénégalaise, en tant que romancier, mais aussi en tant qu’observateur et penseur de la société contemporaine. Toute sa démarche d’affirmation africaine me parle directement. Je suis aussi un grand admirateur de l’œuvre de Aminata Sow Fall avec qui je partage un certain nombre d’idées sur ce qu’il faut combattre en Afrique et ce que nous devons mettre en œuvre pour proposer des espaces d’émulation. J’aime beaucoup également les intentions littéraires de Abdoulaye Elimane Kane, ancien ministre de la Culture. Son univers féérique et porteur du rêve africain fait écho chez moi. Là aussi, ce qui manque cruellement au  Sénégal c’est le relais qui devrait être fait pour ces auteurs qui sont des acteurs importants de la vie culturelle sénégalaise. Il faudrait pouvoir développer nos réseaux de diffusion et de promotion afin de les faire connaître davantage sur tout le continent africain. Avec les nouveaux moyens de technologie dont nous disposons aujourd’hui, cela ne devrait pas être aussi complexifié.
D’aucuns pensent qu’au Sénégal, les hommes de plume n’affichent pas souvent des positions engagées et tranchées sur la vie sociopolitique. Qu’est-ce qui l’explique selon vous ?
Je ne peux pas parler au nom des autres, mais seulement partir de moi-même ou émettre des hypothèses. Vous savez, moi je me suis toujours levé contre les inégalités et les injustices de quelque nature que ce soit en Europe, en Afrique, au Sénégal et un peu partout. Je n’ai pas changé d’un iota sur ces questions et je crois que c’est aussi notre rôle, les écrivains, les poètes, les hommes de culture, de nous lever et de dire non, stop ! Je le clame à travers ma poésie, mes livres, mes engagements, ce sont mes armes pour faire entendre ce qui doit changer. Mais vous avez raison, chacun doit en prendre la mesure et dénoncer, au moyen de sa notoriété s’il le faut, toutes les injustices qui traversent l’humanité. Elles sont nombreuses et c’est à travers des projets de renaissance, de créativité, liés à l’humain qu’il faut avancer. C’est ce que je pense depuis des années et tous les actes que j’ai posés, par exemple pour porter la renaissance africaine, en sont la preuve. Vous savez, aujourd’hui dans la société sénégalaise, le dénigrement,  les insultes, l’appât du gain supplantent trop souvent le débat réel autour des idées. Cela explique peut-être que beaucoup d’hommes de culture, d’intellectuels s’abstiennent pour ne pas rentrer dans cette logique de dénigrement qui tue en réalité la créativité et nous installe dans le caniveau. Les méthodes de dénigrement et les manipulations ne doivent pas faire reculer l’homme de culture, le penseur, l’intellectuel. Il doit rester debout pour assumer son engagement jusqu’au bout. Donc, je lance un appel pour que les hommes de culture, les intellectuels reprennent les choses en main pour faire avancer la réflexion et l’analyse, pour sortir de cette situation de crise des valeurs métaphysiques, pour enfin proposer une véritable rupture, enclencher la vraie dynamique de fraternité, de dignité, de travail, de justice, d’harmonie, de concorde entre les uns et les autres.  Moi je crois qu’il faut rester fidèle à ses idéaux sans compromissions, la constance est selon moi une qualité essentielle  de la nature humaine.
Quelle lecture faîtes-vous, en tant qu’acteur, de la politique culturelle au Sénégal ?
Je pense que nous devons être des bâtisseurs et que nous devons proposer des programmes solides de développement culturel à travers des politiques volontaristes sérieuses qui valorisent notre patrimoine. Le développement du continent africain passe aussi par son rayonnement artistique et culturel. Car cette question n’est pas secondaire, elle doit être profondément présente et notamment se rattacher à la problématique de l’éducation, et à la question des langues aussi. Tout cela est étroitement lié. Je pense que le terrain de la culture sénégalaise est extrêmement riche et que c’est à nous de le rendre fertile par des actes fondateurs qui seront les miroirs de la renaissance africaine.
Parlez-nous de votre dernière publication, L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë. Un titre très évocateur… Pourquoi cette référence à l’œuvre de Cheikh Hamidou Kane ?
Tout d’abord, je dois beaucoup à Cheikh Hamidou Kane pour qui j’ai une profonde admiration. C’est un homme éminemment juste, talentueux et d’une intelligence humaine qui me transporte. Dans ce livre, L’ami dont l’aventure n’est pas ambigüe, le personnage de Samba Diallo incarne à lui seul toute une foule d’hommes qui ont trahi leur Peuple depuis la fin du gouvernement de Léopold Sédar Senghor, en passant par celui de Abdou Diouf et bien sûr sous la gouvernance de Abdoulaye Wade. Ces hommes qui, au lieu de servir l’Etat, se sont servis et ont détourné l’argent public. Le Samba Diallo de mon livre n’est plus celui dépeint par Cheikh Hamidou Kane, victime du choc culturel entre sa vision de l’Occident et la réalité. Le Samba Diallo du 21ème siècle est celui qui devient un être génocidaire malgré lui, et qui affame son Peuple pour sa réussite personnelle. Je le dénonçais déjà dans mon recueil de poésie Le songe des flamboyants de la renaissance, paru en 2008 aux éditions Acoria, où je déclarais qu’un centime détourné est un crime contre l’humanité. Je n’ai pas changé d’avis là-dessus et à travers la littérature je dénonce cette infamie intolérable. Cela étant dit, je crois aussi à la repentance et à la pacification des rapports sociétaux. Face à cette calamité qui a eu lieu, il faut trouver une voie unitaire pour la réconciliation sur le plan politique et œuvrer pour transformer en profondeur nos institutions qui garantissent la probité des hommes de pouvoir.
Le premier récit sur Boubacar dans ce livre est-il votre propre histoire ? Est-ce du vécu ?
Comme je le précise dans le préambule du livre, ce récit est inspiré de faits réels, mais appartenant aussi à l’imaginaire. Bien sûr, certaines choses que j’écris me sont arrivées. Ce que je porte, au même titre que Boubacar, c’est la conviction qu’il faut se battre pour réussir ce que l’on entreprend et devenir ce que l’on a choisi. Boubacar part en Europe pour prendre sa place, il rencontre des obstacles, mais il y parvient. C’est aussi cela qui m’intéressait, montrer que l’on peut réussir si on se donne les moyens dans un monde qui n’est pas simple mais que l’on peut, d’une certaine manière, maîtriser quand on s’attache à être dans l’excellence, le travail et la dignité. C’est ainsi que je conçois les choses. Comme Boubacar, je suis un génie raté. Je suis un gaucher contrarié à qui l’on a empêché d’écrire de la main gauche. Alors j’ai fait autrement. Je n’ai rien eu sur un plateau, j’ai tout simplement travaillé très dur. Je me suis battu contre les préjugés pour prouver que rien n’est acquis et que l’héritage n’est rien, comparé à ce que l’on met en œuvre pour cheminer sur les voies de la connaissance. En allant en France, j’ai pu combler mes lacunes et suivre des études universitaires longues, ce qui m’a conduit à préparer le concours d’enseignant que j’ai arraché au prix d’un travail permanent et ensuite de faire mes preuves au niveau de la recherche en sciences cognitives. J’ai longuement travaillé sur le terrain dans les académies de Créteil, de Versailles et de Paris où mon travail est unanimement reconnu. Voilà le message que je voudrais faire passer aux jeunes, il ne faut pas désespérer ! Lorsque l’on est normalement constitué, il faut saisir les opportunités qui sont là et tout s’obtient par le travail, rien ne s’hérite. J’habite fortement cette conviction que si l’on est sincère, que l’on travaille sans relâche, on peut prendre sa place. J’habite l’éducabilité cognitive qui consiste à croire que tout s’apprend. C’est ce que je dis sans cesse aux jeunes que je rencontre pour les inciter à prendre leur place. Cela a d’ailleurs inspiré un groupe de jeunes puisque ce récit a fait l’objet d’une adaptation au cinéma, un film qui s’intitule Sur les traces de nos pères et qui a été réalisé par une équipe de jeunes  collégiens et lycéens de l’atelier vidéo du collège Pablo Neruda d’Aulnay-sous-Bois en France, encadrée par une jeune cinéaste Myriam Fraine, d’origine franco- algé­rienne. Ce film a été en partie tourné ici à l’Icp de Yène dans le cadre d’un projet artistique et pédagogique. C’est un très beau film, porté par le regard de ces jeunes, une œuvre qui doit être valorisée et montrée dans les écoles, les collèges et les lycées. En France, il a reçu un accueil très chaleureux et suscite déjà l’échange et le débat, et c’est cela qui nous intéresse. Dans ce cadre et ici sur le continent, je vais également engager la promotion de ce film qui est riche d’enseignement et de réflexion.  
Dans vos poèmes comme dans cet ouvrage, vous faites un coup d’œil à la femme. Pourquoi la femme revient-elle souvent dans vos écrits ?
J’ai une grande admiration pour les femmes en général qui portent la justice, qui donnent la vie. Elles sont des actrices primordiales dans toutes les sociétés, et ici dans la culture africaine particulièrement. Je crois beaucoup à leur talent de rassemblement, de pacification et de partage. Autrement dit, elles m’inspirent. De plus, jeune, j’ai été très marqué par une femme, celle qui a conduit mon initiation, Khady Diop qui était une poétesse, et qui m’a tant appris. Elle a été la fondatrice de ce que je suis, un poète et un homme sensible à la condition féminine. Dans L’ami dont l’aventure n’est pas ambiguë, je donne la parole à cette femme, Mariam Asta Kane, car elle est une partie de moi et en même temps, elle incarne toutes les voix des femmes qui sont dans la beauté et à qui je voulais rendre hommage.
Amadou Elimane Kane, c’est également le panafricaniste. Pendant que le Sénégal se prépare pour accueillir le prochain sommet de la Franco­phonie, quel message pensez-vous lancer pour voir se réaliser votre rêve de l’unité politique, culturelle, sociale et économique du continent africain ?
Ce sera le moment de défendre encore et toujours ce que je défends depuis trente ans, l’unité africaine. Je crois beaucoup à la nécessité de constituer un bloc puissant partant du continent africain, pour notre épanouisse-
ment et pour l’équilibre du monde. Comme je l’ai dit précédemment, j’ai adressé une lettre ouverte au Président Macky Sall pour conduire la réalisation des Etats-Unis d’Afrique, car c’est par cette voie que nous parviendrons au développement. J’en suis intimement convaincu. Je ne suis pas le seul à le penser d’ailleurs. Tout récemment, j’ai rencontré le grand Cheikh Hamidou Kane qui incite tous les acteurs du pays et de l’Afrique, les élites politiques, les intellectuels, les cadres, les artistes, les jeunes, les femmes à mener ce combat pour bâtir les Etats-Unis d’Afrique et ce pour 2017. Il est également persuadé que cela est possible si on se donne les moyens d’agir et que l’on travaille sérieusement. Il n’existera pas de véritable changement sans engager un vrai travail de positionnement en faveur de l’Unité africaine et ce à tous les niveaux : culturel, historique, économique, politique, monétaire, linguistique et rendre ainsi possible notre autonomie comme les autres puissances qui dominent le monde. Pourquoi cette perspective nous serait refusée ? Pourquoi ne pas croire que la réussite est possible ? C’est à nous les Africains de mettre en œuvre ce grand projet, cette extraordinaire mutation qui permettra l’émergence du continent et offrira aux générations futures des espoirs et de la confiance en l’incroyable énergie africaine.
…Mais comment y parvenir véritablement ?
Nous sommes un continent immense, avec une densité démographique exceptionnelle, possédant des richesses géographiques naturelles diverses et complémentaires. Il s’agit de fédérer les forces qui sont là pour aboutir au développement réel. D’autres avant moi l’ont défendu, Cheikh Anta Diop notre aîné, Cheikh Hamidou Kane aujourd’hui notre grand doyen, le Président Abdoulaye Wade aussi et tant d’autres. Il faut s’approprier ce qui a déjà été réalisé et poursuivre sur cette voie qui est celle d’une réhabilitation nécessaire de nos potentiels pour la renaissance africaine, pour enfin voir naître les Etats-Unis d’Afrique.

Propos recueillis par Gilles Arsène TCHEDJI